ACADEMIE UNIVERSELLE DES JEUX - 1806

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A Paris, chez Amable COSTES, Libraire, quai des Augustins, N° 29

LES REGLES DU JEU DE PIQUET

Avec les Décisions des meilleurs Joueurs sur les coups les plus difficiles.

AVANT-PROPOS.

Ceux qui savent le jeu de Piquet, conviennent que c'est un des plus beaux jeux qui se jouent aux cartes, et dont l'on ne s'est jamais lassé comme de la plupart des autres qui ne sont en règne qu'un certain temps, après quoi ils tombent.

Les règles qu'on en a données jusqu'à présent, diffèrent tellement de celles que l'on suit dans les Académies et Maisons où l'on joue ce jeu, qu'il a paru à propos d'en faire un nouveau Traité, dans lequel on ne donnera les règles, que sur un usage généralement reçu, ou sur les décisions des meilleurs Joueurs de Piquet, avec les raisons qui les ont engagés à juger comme ils ont fait. Quelque difficile que ce jeu paraisse, il ne faut néanmoins qu'une grande attention à son jeu pour être bon Joueur ; car la grande science est de savoir par son jeu ce que son adversaire doit avoir dans le sien, soit par ce qu'il montre sur la table, soit par ce qu'il n'a point, et qu'il pourrait avoir.

Nous tâcherons de donner une idée aussi claire qu'il sera possible de ce jeu, que nous développerons d'une manière à ne laisser aucun doute à ceux qui le savent déjà, sur les coups qui peuvent leur arriver ; et pour en faciliter la connaissance à ceux qui seront bien aises de l'apprendre. Pour parvenir à la fin que nous nous sommes proposée, nous diviserons ce Traité en plusieurs Chapitres. Dans le premier, l'on donnera une idée générale du Jeu ; l'on verra dans le second la manière dont se doit faire l'écart, et ce que c'est que les cartes blanches; dans le troisième, on expliquera ce que c'est que le Point, les Tierces, Quatrièmes, Quintes, Sixièmes, Septièmes et Huitièmes; dans le quatrième, l'on trouvera l'ordre qu'on doit observer en comptant son jeu; et la manière de jouer les cartes; et dans le cinquième Chapitre, il y aura les différentes manières dont on joue le Piquet à écrire. L'on donnera ensuite une table des Lois ou Règles du jeu, avec les décisions des meilleurs Joueurs de Piquet, sur les coups les plus difficiles, et les raisons qui ont fait établir ces Règles.

CHAPITRE PREMIER

Où l'on donne une idée générale du Jeu de Piquet.

On ne peut jouer que deux au Piquet, et le jeu ne doit être composé que de trente-deux cartes, qui sont l'as, le roi, la dame, le valet, le dix, le neuf, le huit et le sept de chaque couleur. Observez que les cartes sont rangées ci-dessus comme elles valent : les as étant toujours au-dessus des rois, les rois des dames, les dames des valets, etc.

Il est à remarquer que toutes les cartes valent les points qu'elles marquent, si vous en exceptez l'as qui en vaut onze, et qui, comme il a été déjà dit, emporte toujours le roi : mais il faut pour cela qu'il soit de même couleur; et les trois figures, c'est-à-dire, roi, dame, valet, valent dix points chacune.

Quand on est convenu de ce qu'on veut jouer, et en combien de points on jouera, on voit à qui mêlera le premier: celui qui a tiré la plus basse carte, doit donc mêler et donner les cartes le premier; il les prend à cet effet, les mêle autant qu'il juge à propos, puis les présente à son adverse partie, qui peut mêler, s'il veut, à son tour : en ce cas, celui qui est à donner les cartes, doit mêler une seconde fois, et présenter à couper à son adversaire, qui doit pour lors les couper nettement: car celui qui les éparpillerait, ou n'en couperait qu'une, serait obligé de recommencer, après que celui qui est à donner aurait rebattu les cartes. Cela fait, celui qui donne met les cartes de dessous dessus, puis les distribue deux à deux, ou trois à trois, cela dépend de son caprice, et ce sont les deux nombres ordinaires , et jamais à une, ni au-dessus de trois.

Il faut continuer, dans tout le cours de la partie, par le nombre qu'on a commencé; car si par fantaisie on venait à vouloir changer la donne, il ne serait pas permis, à moins que d'avoir averti avant que de mêler, en disant: Je donnerai par deux ou par trois.

On donne donc de ces cartes jusqu'à ce que les Joueurs en aient eu chacun douze, de manière qu'il n'en reste plus que huit en la main de celui qui donne, et qu'il doit poser sur le tapis, vis-à-vis de son adversaire et de lui: ces huit cartes sont appelées talon.

Avant que de passer plus loin, pour donner une idée générale du jeu dans ce Chapitre, comme nous nous le sommes proposé, il est à propos de faire remarquer que si celui qui donne les cartes, au lieu de n'en donner que douze à son adversaire, lui en donnait treize, ou les prend pour lui; il est libre à celui qui a la main, c'est-à-dire, qui n'a point mêlé, de se tenir au jeu, ou de faire refaire , rendant en ce cas le coup nul; mais s'il s'y tient lorsqu'il a treize cartes, il doit laisser les trois cartes au dernier, c'est-à-dire, que le talon n'étant pour lors que de sept, il ne peut en prendre au plus que quatre, et moins s'il veut, par la raison que nous en donnerons ci-après; et si le dernier a treize cartes, il en écarte trois, et n'en prend que deux; et si l'un des deux Joueurs se trouvait avoir quatorze cartes, n'importe lequel, il faut refaire le coup.

Vous remarquerez que, lorsque dans le talon il y a une carte tournée, soit que le talon soit de sept ou huit cartes , pourvu que le coup se joue, le coup sera bon si la carte tournée n'est pas celle qui est au-dessus du talon, ou la première des trois que doit prendre le dernier, parce qu'en ce cas la carte étant vue des deux Joueurs, on doit refaire nécessairement, à cause que si on le laissait à la volonté de celui à qui elle va de droit, il aurait l'avantage de s'y tenir s'il avait beau jeu, et de refaire s'il l'avait mauvais, ce qui ne serait pas juste, n'y ayant point de faute à punir dans ce coup.

Vous remarquerez encore que la sévérité que l'on a dans certaines Provinces, comme dans le Languedoc et dans la Provence, de condamner au grand coup, c'est-à-dire, à perdre cent soixante-dix points pour avoir tourné ou vu une ou plusieurs cartes du talon de son adversaire, est fort injuste, et n'est point d'usage parmi les gens qui jouent bien le Piquet; le Joueur qui tourne ou voit une ou plusieurs cartes du talon de son adversaire , est condamné à jouer telle couleur que son adversaire voudra, s'il est premier à jouer.

Il est à propos, pour l'intelligence de ce jeu, d'expliquer ce que c'est que hasard. Il y a dans ce jeu trois sortes de hasards qu'on appelle Repic, Pic et Capot. Le Repic a lieu lorsque dans son jeu, sans que l'adversaire puisse rien compter, ou du moins ne pare pas, l'on compte jusqu'à trente points: en ce cas, au lieu de dire trente, on dit quatre-vingt-dix , et au-dessus, à mesure qu'il y a des points à compter au-dessus.

Le Pic a lieu lorsqu'ayant compté un certain nombre de points sans que l'adversaire ait rien compté, l'on va en jouant jusqu'à trente, auquel cas, au lieu de dire trente, l'on compte soixante, et l'on continue de compter les points que l'on fait par-dessus.

Le capot, c'est lorsque l'un des deux fait toutes les levées; il compte pour cela quarante points, au lieu que celui qui gagne seulement les cartes, compte. dix points pour les cartes. C'est fort mal-à-propos que certains Joueurs prétendent que l'on ne saurait faire tous les hasards en un seul coup; tous conviennent qu'on peut joindre le capot au pic et repic , ce qui arrive même ordinairement; et les gens qui se vantent de savoir bien le jeu, conviennent, comme moi, que par cette même raison, l'on peut faire les trois hasards d'un seul coup: en voici l'exemple. Je suppose qu'un des Joueurs ait les quatre tierces major, et que son point soit bon ; s'il est le premier à jouer, il entrera par 4 du point, et 12 des tierces major, c'est 16; 16 et 14 d'as, c'est 90; 90 et 28 des deux quatorze de rois et de dames feront cent dix huit ; et en jouant ses cartes, il ira à cent soixante et un, qui, joints aux quarante pour le capot, feront deux cent un points du coup. Ce coup est si rare qu'il n'est peut-être jamais arrivé, mais il est de la justice qu'il vaille de la sorte s'il arrive jamais.

Observez que lorsque la tierce major est bonne pour le point, elle vaut quatre; et quand même elle ne serait comptée que pour trois de point, les trois hasards y seraient encore.

Il faut remarquer que pour faire Pic, c'est-à-dire, pour compter soixante au lieu de trente, il faut être premier; car si vous n'êtes pas premier, et que le premier jette une carte qui marque, il comptera un; et vous, quand vous auriez compté dans votre jeu, vingt-neuf, si vous levez la carte jetée, vous ne compterez cependant que trente, à moins que celui qui joue le premier, ne jetât une carte qui ne comptât point, comme un neuf, un huit ou sept; auquel cas, après avoir levé cette main, vous pouvez continuer de jouer votre jeu jusqu'à trente, et compter soixante, le hasard étant bien fait.

L'on doit condamner ici la sévérité qu'on a en Provence et en Languedoc à l'égard du Pic; un joueur qui, au lieu de dire soixante, ne dirait que trente, ne saurait y revenir, et ne compte absolument que trente, au lieu que dans tout le reste du monde il en revient; et jamais les joueurs ne doivent se faire ces difficultés, n'y ayant rien qui oblige à cette sévérité: la distraction de celui qui compte trente au lieu de soixante, ne pouvant être qu'à son préjudice, il pourra donc y revenir jusqu'à ce que l'on ait coupé pour le coup suivant.

Il faut remarquer encore que lorsque les deux parties sont fort avancées, les cartes blanches qui valent dix points, sont premièrement comptées, ensuite le point, les tierces, quatrièmes, cinquièmes etc. ; viennent après cela les points que l'on compte en jouant, et enfin les dix points des cartes, ou les quarante du capot.

CHAPITRE II.

De la manière dont se doit faire l'Ecart, et ce que c'est que Cartes blanches.

Lorsque chacun a ses douze cartes, qui composent son jeu, il les examine, et pour mieux connaître son jeu, doit arranger ses couleurs, c'est-à-dire, mettre les coeurs avec les coeurs, les piques avec les piques, et ainsi des autres.

Ce qu'il doit d'abord considérer, c'est s'il a cartes blanches, c'est-à-dire, s'il n'a point de peintures dans son jeu: les peintures sont les rois, les dames et les valets; enfin, si l'un des deux Joueurs se trouve avoir cartes blanches, après que l'autre a fait son écart, il étale ses cartes sur le tapis en les comptant l'une après l'autre, et les cartes blanches lui valent dix points, qui sont comptés avant le point même, et qui servent à faire le pic et le repic, et à les parer.

Le jeu ayant été ainsi examiné, et qu'un des Joueurs ait cartes blanches ou non, celui qui est le premier à prendre fait son écart, c'est-à-dire, qu'il choisit dans son jeu les cinq cartes qui lui semblent les moins nécessaires pour en reprendre autant du talon.

Observez qu'il ne peut point en prendre plus de cinq, mais bien moins, puisqu'il peut n'en prendre qu'une s'il veut, ou deux, ou trois, ou quatre; il est pour lors en droit, de voir les cartes qu'il laisse et qu'il pourrait prendre.

Et si le dernier à prendre, lorsqu'on lui a laissé des cartes ou autrement, ne veut point prendre toutes les cartes qui lui restent, il peut n'en prendre s'il veut qu'une; étant obligé, ainsi que le premier, d'en prendre pour le moins une; s'il en laisse, il peut les voir, et le premier est en droit de les voir aussi, en accusant la couleur dont il commencera à jouer, et par laquelle il est obligé de jouer; et si le dernier ayant laissé des cartes, il les avait mêlées avec celles de son écart, le premier est en droit de voir son écart, en disant la couleur dont il jouera en entrant au jeu.

Si par malice, ou par mégarde, celui qui a dit: Je commencerai par telle couleur, commençait par une autre, il serait libre au dernier de le faire commencer par telle couleur qu'il voudrait.

Comme ces règles sont plutôt faites pour les commençans que pour les maîtres, ils ne seront pas fâchés qu'on leur apprenne, en passant, la manière dont il convient de faire les écarts, et le but que l'ou doit avoir en les faisant.

En faisant l'écart, le premier but des grands Joueurs est de gagner les cartes et d'avoir le point, ce qui les oblige à porter ordinairement la couleur dont ils ont le plus, ou bien dont ils sont plus forts; car il conviendrait de préférer quarante-un d'une couleur, à quarante-quatre d'une autre où la quinte ne serait pas faite, quelquefois même la quinte y étant, étant plus avantageux d'avoir ces quarante-un, où une seule carte peut faire une quinte major ou le point, et servir à gagner les cartes, ce qui ne pourrait se faire, en portant les quarante-qua tre, à moins qu'il n'y eût une rentrée extraordinaire.

Il faut observer que si l'on joue pour un grand coup, il faut jouer différemment que lorsqu'on joue pour un petit coup, parce que l'on s'abandonne, pour le grand coup, absolument à la rentrée qui est fort incertaine ; au lieu que pour un petit coup, l'on porte un jeu que la rentrée, quelle qu'elle soit, doit rendre meilleur et suffisant pour le faire, à moins que ce ne fussent absolument les cartes les plus opposées au jeu, ou de moindre valeur.

Il faut encore, en écartant, tirer à se faire des quatorze; on appelle quatorze, quatre as, ou quatre rois, quatre dames, quatre valets, ou quatre dix; le quatorze d'as efface tous les autres, et à la faveur de ce quatorze, on peut en compter un bien plus bas, comme serait celui de dix, encore que l'adversaire en eût un de rois, de dames ou de valets, parce que le quatorze plus fort annulle le moindre; et comme l'on compte, au défaut des quatorze, trois as , trois rois, trois dames, trois valets ou trois dix, il est encore bon d'y tirer: vous observerez que les trois as valent mieux que les trois rois, et que le moindre quatorze empêche de compter trois as, et ainsi des autres; et qu'à la faveur d'un quatorze on compte non-seulement d'autres quatorze moindres, mais encore trois dix, ou autres trois, pourvu que ce ne soit point de neuf, de huit ou de sept, encore que l'adversaire eût trois d'une valeur au-dessus: le moindre usage rendra familière cette règle, qui semble d'abord une des plus difficiles du jeu.

Vous observerez la même chose à l'égard des huitièmes, septièmes, sixièmes, quintes, quatrièmes et tierces, auxquelles un homme qui fait son écart doit avoir égard, pour tâcher de s'en procurer par sa rentrée, étant ce qu'il y a de plus beau au jeu; vous en trouverez la valeur et le nom dans le Chapitre suivant, ce qui servira à faire connaître aux Joueurs qui ne sont pas bien au fait de ce jeu, ce qu'il convient mieux de porter.

CHAPITRE III.

Où l'on explique ce que c'est que le Point, les Tierces, Quatrièmes, Quintes, Sixièmes, Septièmes et Huitièmes.

Le point, c'est un nombre de cartes d'une même couleur que l'on a dans son jeu, et dont on assemble les points pour les accuser : vous observerez, pour compter le point, que l'as vaut onze, et les figures dix chacune; le reste des cartes autant de points qu'elles en valent par ce qu'elles sont marquées : un dix, dix points; un neuf, neuf, etc.

Le point étant assemblé, le premier à jouer l'accuse, c'est-à-dire, dit le point qu'il a, et demande à son adversaire s'il est bon; si l'adversaire n'en a pas autant; il dit qu'il est bon; et s'il en a autant, il dit qu'il est égal; et s'il en a plus, il dit qu'il ne vaut pas ; enfin, qu'il soit bon ou non, celui qui a le point le plus fort, compte pour ledit point, autant de points qu'il y a de cartes, à moins que, par exemple, ayant six cartes de point, elles ne fissent que 54, auquel cas les six cartes ne doivent être comptées que cinq; au lieu que s'il y avait cinquante-cinq, elles en vaudraient six; et ainsi de soixante et quatre, quarante-quatre, qui ne valent pour le point qu'à proportion des dixaines, le cinquième point faisant la dixaine; trente-cinq points en valent autant pour le point que quarante-quatre étant comptés l'un et l'autre pour quatre; mais c'est celui qui a le plus de points qui les compte; et si le point est égal, personne ne le doit compter; il en est de même lorsque les deux Joueurs ont les mêmes tierces, quatrièmes, cinquièmes, etc. à moins que par une quinte ou quatrième, ou tierce supérieure, il ne rende bonnes les tierces, quatrièmes ou cinquièmes qui pourraient être égales avec celles de son adversaire.

Des Tierces.

Il y a de six sortes de tierces: la première que l'on appelle major, et qui est composée d'un as , d'un roi et d'une dame; la seconde appelée de roi, composée d'un roi, d'une dame et d'un valet; la troisième de dame, que la dame, le valet et le dix composent; la quatrième de valet, qui est valet, dix et neuf; la cinquième de dix, qui est dix, neuf et huit; et la sixième qu'on appelle tierce basse ou fine, et qui est le neuf, le huit et le sept. Vous observerez qu'il faut pour faire une tierce, ainsi qu'une quatrième et une quinte, etc. que toutes les cartes soient de même couleur.

Des Quatrièmes.

Il y a cinq sortes de quatrièmes: la première qu'on appelle quatrième major, est composée de l'as, le roi, la dame et le valet; la seconde qu'on appelle de roi, composée du roi, de la dame, du valet et du dix; la troisième de dame, composée de la dame, le valet, le dix et le neuf; la quatrième de valet, composée du valet, du dix, du neuf et du huit, et la cinquième, dite quatrième basse, du dix, du neuf, du huit et du sept.

Des Quintes.

Il y a de quatre sortes de quintes: la première appelée quinte major, est composée de l'as, le roi, la dame, le valet et le dix; la seconde, dite de roi, est composée du roi, de la dame, du valet, du dix et du neuf; la troisième de dame, composée de la dame, le valet, le dix, le neuf et le huit; et la quatrième, dite quinte basse ou au valet, du valet, du dix, du neuf, du huit et du sept.

Des Sixièmes.

Il y a trois sortes de sixièmes ; la première, dite sixième major, est composée de l'as, le roi, la dame, le valet, le dix et le neuf; la seconde de roi, composée du roi, de la dame, le valet, le dix, le neuf et le huit; et la troisième appelée de dame ou basse, que composent la dame, le valet, le dix, le neuf, le huit et le sept.

Des Septièmes.

Il y a deux sortes de septièmes; la première, dite septième major, composée de l'as, le roi, la dame, le valet, le dix, le neuf et le huit; et la seconde de roi, que composent le roi, la dame, le valet, le dix, le neuf, le huit et le sept.

Des Huitièmes.

Il n'y a qu'une sorte de huitième, qui est composée de l'as, le roi, la dame, le valet, le dix, le neuf, le huit et le sept,. qui sont toutes les cartes d'une couleur.

Voilà à quoi il est encore bon de viser en faisant son écart, et étant de l'avantage d'un Joueur d'en avoir, car une tierce bonne vaut à celui qui la compte trois points, une quatrième, quatre, et une quinte en vaut quinze, une sixième, seize; une septième dix-sept, et la huitième dix-huit, outre les points qui sont accordés pour le point. Par exemple: un Joueur qui aurait une quinte major dont le point serait bon, compterait quinze pour la quinte, et cinq pour le point, ce qui ferait vingt; et ainsi de la quatrième, qui vaudrait quatre pour le point, et quatre pour la quatrième, la même chose se fera à l'égard des sixièmes, septièmes, huitièmes.

Vous remarquerez encore, quoiqu'il ait été déjà dit ci-devant, que celui qui a la plus haute tierce, quatrième, quinte, et ainsi des autres qui suivent, annulle toutes celles qui sont au-dessous: par exemple, une tierce major annulle une tierce de roi, et ainsi des quatrièmes, quintes, etc. en observant que la moindre quatrième annulle la plus haute tierce; la moindre quinte, la plus haute quatrième; la moindre sixième la plus haute quinte; et la moindre septième, la plus haute sixième; la huitième annulle toutes les autres espèces de séquences.

Observez que toutes ces tierces, quartes et quintes, etc. sont des séquences; observez en même temps, comme il a été déjà dit ci-devant, qu'à la faveur d'une tierce ou quatrième ou quinte, et ainsi des autres bonnes, l'on fait passer les moindres tierces, encore que l'adversaire en eût de plus fortes; et l'on accumule par-là les points qu'elles font, le jeu de l'adversaire étant annullé par la séquence supérieure; et s'il y a de l'égalité dans la plus haute séquence entre les deux Joueurs, celui qui en aurait plusieurs autres, ou de la même force ou moindres, n'en compterait pour cela pas une, la plus noble étant égale.

Il paraît que l'on a expliqué suffisamment toutes les séquences. Voyons maintenant l'ordre que l'on doit observer en comptant le jeu, et la manière de jouer les cartes.

CHAPITRE IV

De l'ordre qu'on doit tenir en comptant son jeu, et de la manière de jouer les Cartes.

Après que chacun des Joueurs a pris du talon les cartes qu'il doit y prendre, il doit assembler son jeu pour y voir ce qu'il a à compter. Il doit commencer par ramasser la couleur dont il a en plus grand nombre, pour en composer son point et l'accuser; et si le dernier en a davantage dans son jeu, il dit: il ne vaut pas; s'il en a autant, il dit: il est égal; et s'il en a moins, il répond qu'il est bon: après avoir compté le point, il doit examiner s'il n'a pas de tierces, quatrièmes, quintes, etc. afin de compter autant de points, si ce qu'il en a n'est point défendu par l'adversaire.

Vous observerez que le point, tierces, quatrièmes, quintes, etc. doivent être mis sur table, afin qu'on puisse en compter la valeur; car, par exemple, si un des Joueurs qui aurait accusé le point, ou des tierces, quatrièmes, quintes, etc. et que l'on lui aurait répondu valoir; si, dis-je, ce Joueur oubliait de les montrer, et jouait sans les avoir comptées, il ne pourrait plus y revenir, et son adversaire compterait son point, encore qu'il fût moindre, ses tierces, quatrièmes, quintes, encore qu'elles fussent plus basses, pourvu néanmoins qu'il les montrât lui-même avant de jeter sa première carte; sans quoi, c'est-à-dire, s'il l'avait jetée, il ne serait plus temps d'y revenir. et pour lors ils ne compteraient ni l'un ni l'autre.

Après que l'on a examiné et compté les tierces, quatrièmes, quintes , etc. il faut examiner si l'on a quelque quatorze: les quatorze sont quatre as, quatre rois, quatre dames, quatre valets, quatre dix, comme il a déjà été dit: un quatorze bon est compté pour quatorze points; le supérieur annulle l'inférieur, et fait que l'on peut, à sa faveur, compter trois as, trois rois ou trois dames, etc.

S'il n'y a point de quatorze dans le jeu, on cherche à compter, ou trois as , ou trois rois, ou trois dames, ou trois valets, ou .enfin trois dix, les plus hautes annullant toujours les inférieures.

Après donc que chacun a examiné son jeu , et vu , par les interrogations faites, ce qu'il a de bon dans son jeu, le premier commence à le compter: la première chose qu'il compte, ce sont les cartes blanches, qui valent dix points, s'il les a; il commence alors, en disant: dix de cartes blanches valent dix; et s'il a le point, il l'étale et compte s'il a cinquante en points, dix et cinq pour le point c'est quinze; si ensuite il a une quatrième bonne, il l'étale également; et ajoute quatre points à quinze, qui font dix-neuf; s'il a outre cela un quatorze ou trois as, ou trois de quelqu'autre chose qui soit bon, il les ajoute encore; et après avoir compté tout son jeu, il joue une carte, en comptant un point pour la carte qu'il joue, si elle est ou un as, un roi, une dame, un valet, un dix, qui sont les seules cartes qui marquent.

Après que le premier a joué la carte, le dernier, avant que de jouer, montre son point, s'il l'a bon, ses tierces, quatrièmes ou quintes, etc. compte ses quatorzes ou ses trois as, trois rois, etc. ses cartes blanches, s'il les avait ; et après avoir ajouté ensemble tout ce qu'il a à compter, il lève la carte que le premier a jouée, s'il le peut, ou bien fournit de la couleur, s'il ne peut point lever; et lorsqu'il prend la levée, il rejoue par telle couleur qu'il veut.

L'on observera que, comme il n'y a point de surprise au jeu de Piquet, celui qui en jouant ses cartes change de couleur, doit nommer la couleur dont il joue; faute de quoi, celui qui aurait fourni., comptant qu'il continuait à jouer de la couleur dont il jouait auparavant, serait en droit de reprendre la carte jetée, quand même elle serait de la couleur jouée.

A l'égard de la manière de jouer les cartes, comme il faut que ce soit l'usage qui enseigne la manière la plus avantageuse de les jouer, on se contentera d'en dire deux mots en général.

Il est certain que c'est principalement à la manière de jouer les cartes, que l'on connaît un bon Joueur d'avec celui qui ne l'est pas; et il n'est pas possible de les bien jouer, que l'on ne connaisse la force du jeu: c'est-à-dire, par le jeu que l'on a, l'on doit connaître ce que l'adversaire peut avoir, et ce qu'il doit avoir écarté, en faisant encore attention à ce qu'il montre de sou jeu, et à ce qu'il compte.

Le principal but du Joueur, en jouant ses cartes, doit être de les gagner en premier lieu; en second, de faire davantage de points, et empêcher l'adversaire d'en faire: mais le principal objet ce sont les cartes qui valent dix à celui qui les gagne.

L'on dira, en faveur de ceux qui n'ont aucune teinture du jeu de Piquet, qu'il n'y a point de triomphe au Piquet, que ce sont les meilleurs cartes de la couleur jouée qui font la levée; car, par exemple; s'il était joué le roi de trèfle, et que vous en eussiez l'as, vous leveriez la main; au lieu que s'il n'en était joué que le sept, et que vous n'eussiez pas de la couleur, encore que vous jouassiez une carte de plus de valeur dans une autre couleur, la levée irait à qui aurait joué le sept.

Si, par mégarde, celui qui fournit sur la carte jouée, ne jouait pas de la couleur que son adversaire jette, s'il en avait, quoique sa carte fût sur le tapis, il lui serait permis de la relever pour en fournir, sans qu'il en coûte pour cela aucune peine.

Un premier quelquefois aura le malheur que son point, ses quintes, ses quatrièmes, ses tierces, et autres choses qu'il peut avoir ne lui vaudraient rien; pour lors il commencera à compter par un, en jetant telle carte de son jeu qu'il jugera à propos, et il continuera à jouer jusqu'à ce que son adversaire ait joué une carte plus haute que la sienne.

Celui qui est second en carte, avant que de jouer, comme il a déjà été dit, compte tout ce qu'il a à compter dans son jeu; et lorsqu'en jouant les cartes il fait la levée, il rejoue par telle couleur qu'il veut; ils jouent de la sorte jusqu'à ce que leurs douze cartes soient jetées: celui qui fait la dernière levée compte deux points, si la carte qu'il joue est une carte qui marque; et un , quoiqu'elle ne marque pas.

Chacun compte ensuite ses levées, et celui qui en a le plus, compte dix pour les cartes; et lorsqu'elles sont égales, elles ne sont comptées de part ni d'autre.

Le coup n'est pas plutôt fini, que chacun doit marquer, ou avec des jetons, ou avec un crayon ce qu'il a fait de points jusqu'à ce la partie s'achève. On recommence à donner les cartes après les avoir mêlées et donné à couper comme on a dit.

Chacun fait tour à tour au piquet, supposé qu'on ne finisse point la partie d'un seul coup.

Lorsqu'on recommence une autre partie, si celui qui a perdu veut jouer, on coupe, pour savoir qui fera le premier, et de la manière qu'on l'a déjà dit, à moins qu'on ne soit convenu, au commencement du jeu, que la main suivrait.

Dans l'un et l'autre cas, on continue alternativement à donner: il est libre à chacun des deux Joueurs de ne plus jouer lorsque la partie est achevée ; mais non pas dans le cours de la partie, à moins que de payer ce que l'on joue/

CHAPITRE V

Le Piquet à écrire.

Cette manière de jouer le Piquet est fort en usage parmi les honnêtes gens, qui en forment par-là un jeu d'une grande société, puisqu'on y peut jouer trois, quatre, cinq, six et sept personnes. Il n'y a cependant que deux de ces Joueurs qui jouent à la fois, et les autres ensuite alternativement.

Lorsque l'on joue au Malheureux, celui .qui est marqué continue à jouer, et celui qui marque est relevé par celui des Joueurs qui attend que l'un des Joueurs sorte le coup fini, chacun relevant à son tour; au lieu que lorsqu'on joue à tourner, on commence par un côté, et l'on tourne toujours du même côté: par exemple, je commencerai la partie avec le Joueur qui sera à ma droite; après que nous aurons joué notre coup, il jouera encore un coup avec le Joueur de sa droite, et ainsi des autres; c'est la manière la plus égale de jouer ce jeu.

Avant de commencer à jouer, il faut convenir combien l'on jouera de rois ou de tours, si c'est six, neuf ou douze rois plus ou moins; un roi c'est deux tours: et un tour c'est deux coups: on l'appelle encore Ide en plusieurs provinces. Il faut, pour qu'un tour soit joué, que chacun des deux Joueurs ait mêlé une fois; l'on convient ensuite de la valeur de chaque point; soit deux liards, un sou, ou davantage si l'on veut; l'on voit après à qui fera.

L'on joue du reste selon les règles du Piquet, et chacun des deux Joueurs fait une fois seulement, et l'on compte à demi-tour les points que l'on fait de plus que son adversaire, en les marquant avec des jetons: par exemple, on suppose que du premier coup l'un des deux Joueurs ait fait vingt points, et son adversaire dix; ce sont dix points que le premier a contre l'autre, et qu'il marque avec des jetons jusqu'à ce que le second coup soit joué: si dans ce second coup, celui qui a les dix points sur l'autre n'en faisait encore que dix, et que son adversaire en fit quarante, ce serait vingt points que celui-ci aurait plus que lui de ce second coup, parce que de quarante points il faudrait en rabattre vingt points; savoir, dix du coup précédent, et dix du second coup; par conséquent, il resterait vingt points que l'on écrirait pour le perdant, et ainsi des autres coups.

Cependant, comme l'idée qu'on vient de donner n'est pas suffisante pour certaines gens qui ne se contentent pas de voir les choses, mais qui veulent encore les toucher, on leur donnera une table ci-après qui leur apprendra la manière dont ils doivent marquer ceux qui perdent: observez seulement que tous les points qui se trouvent au-dessous de cinq ne sont comptés pour rien, et que cinq points ou au-dessus valent dix.

Par cette raison, quinze points en vaudront contre le marqué autant que vingt-quatre, c'est-à-dire, qu'ils seront marqués pour vingt, et ainsi des autres. Si l'on est trois Joueurs, l'on fait trois colonnes; à la tête de chacune on met le nom d'un Joueur, laquelle on marque à mesure qu'il est marqué.

TABLE

Qui marque douze Rois ou Tours joués.

Jean.

Pierre.

Denis.

30
40
100
30
70
90
50
60
30
40
30
50
50
60
30
80
60
100
30
90
70
100
30
20

Addition

Addition

Addition

470

370

510

Voilà donc les colonnes de chaque Joueur marquées des points qu'ils ont perdus dans le cours de douze rois qu'ils ont joués. Il faut, après cela, additionner chaque colonne , pour voir à combien les points montent, et les ranger comme on le va voir.

Additions des points des Joueurs

Jean

470 points

Pierre

370

Denis

510

Total

1350 points,

qu'il faut diviser entre trois personnes; ce qui fait pour chacune, 450 points. Cette division étant faite, chaque Joueur prend sa rétribution; de manière que Pierre qui n'a que 370 points, gagne 80 points, parce qu'il lui manque ce nombre pour se remplir des 450, qui font son tiers dans 1350 points; ainsi, Jean qui est marqué de 470 points, perd 20 points, à cause qu'il a ce même nombre au-dessus de 450; et par la même raison, Denis perd 60 points, ayant ce même nombre au-dessus de 450: lorsqu'il y a quelque dixainede surnuméraire, elle est au profit de celui qui perd le plus.

Observez encore qu'il se paye ordinairement une consolation à ce jeu, qui est de 20 par marqué, plus ou moins, ainsi qu'on en convient; en sorte que si elle est de 20 , le Joueur qui est marqué de 30 par le jeu, est marqué de 50 en perte, et ainsi des autres.

Seconde manière de jouer le Piquet à écrire.

Il y a une autre manière de jouer le Piquet à trois ou à cinq, moins embarrassante en ce qu'il n'est pas besoin de plumes ni de papier; ni d'addition; la voici :

Chaque Joueur prend la valeur de six cents marques en cinq fiches et dix jetons; chaque fiche vaut dix jetons, et chaque jeton est compté pour dix marques; de façon qu'un Joueur marqué de trente, en mettant trois jetons, paye.

L'on joue du reste le jeu de la même façon qu'en écrivant, à la réserve qu'il y a au bout de la table, au lieu d'une écritoire, un corbillon, dans lequel on met ce dont on est marqué, et que l'on partage également entre tous les Joueurs à la fin de la partie. La consolation se paye la même chose par le marqué, qui, au lieu de dix dont il est marqué par le jeu-, en met trente dans le corbillon , et au lieu de trente, cinquante, et ainsi des autres; et outre cette consolation , il y en a une autre que celui qui est marqué paye également, et qui est deux jetons qu'il paye en propre à celui qui l'a marqué d'un grand ou petit coup; c'est la même chose; et un jeton aux autres Joueurs. Il en est de même payé lorsqu'il marque ou que les autres Joueurs jouent entre eux.

Observez que lorsque les coups de deux Joueurs sont égaux, ou qu'il ne reste pas à l'un quatre points de plus qu'à l'autre, c'est un refait; et celui qui est marqué après un refait, paye pour cela au corbillon vingt marques de plus, et pour deux refaits, quarante , et ainsi des autres.

A moins que l'on ne soit convenu auparavant que, pour empêcher les refaits, on marquera à un point; en ce cas, pour que le refait ait lieu, il faut que les deux coups soient absolument égaux.

Après que la partie est achevée de jouer, ce que l'on voit par une carte où l'on a marqué les tours que l'on a eu dessein de jouer, et que le corbillon est partagé, chacun voit ce qu'il gagne ou perd sans aucun embarras, et les jetons impairs et surnuméraires , qui n'ont pu être partagés, sont au profit de celui qui perd davantage.

Troisième manière de jouer le Piquet à écrire.

L'on peut encore jouer le Piquet de la même manière; c'est-à-dire, en prenant chacun la valeur de six cents marques: l'on peut jouer un contre un, se payant ce dont l'on est marqué l'un à l'autre; et ce jeu est fort égal: l'on fait à ce jeu la consolation aussi forte que l'on veut.

L'on joue également ce jeu deux contre deux; ce sont même les parties ordinaires, ou deux contre un : on appelle celui qui joue seul contre deux, la Chouette.

Pour toutes ces façons de jouer, vous aurez recours aux règles, qui sont les mêmes pour tout ce qu'on appelle Piquet.

LOIS OU RÈGLES DU JEU DE PIQUET

Avec les décisions des meilleurs Joueurs sur les coups les plus difficiles.

I. S'il se trouve que l'un des Joueurs ait plus de cartes qu'il ne faut, si le nombre n'en excède pas treize, il est au choix de celui qui a la main de refaire ou de jouer, selon qu'il le trouve avantageux à son jeu; lorsqu'il y a quatorze cartes ou plus, l'on refait nécessairement.

La raison qui fait décider ce coup de la sorte, est que lorsqu'il y a treize cartes à l'un des deux jeux, c'est par la faute de celui qui a mêlé; c'est pourquoi, s'il y a une peine, c'est à lui à la subir; c'est une règle généralement reçue.

II. Si celui qui est le premier a treize cartes au lieu de douze, et qu'il veuille jouer et ne point refaire, il le peut; mais il doit en écarter une de plus qu'il n'en prend, étant obligé de laisser au dernier ses trois cartes: au contraire, si celui qui donne en a pris treize, il est encore au choix du premier de refaire ou de jouer; il prend, dans ce second cas, autant de cartes qu'il en prendrait si le talon n'était pas faux; et le dernier, qui a treize cartes, en écarte trois, et n'en prend que deux pour parfaire le nombre de douze qu'il doit avoir. Tout cela doit se, faire en s'avertissant l'un l'autre, et avant que d'avoir vu les cartes que l'on prend; car après cela l'on n'y est point reçu, et il faut que le jeu se joue comme il se trouve, aux peines que doivent porter ceux qui ont trop de cartes, savoir de ne rien compter.

La justice qui est rendue au premier, lorsqu'on laisse le choix de jouer le coup ou de refaire, engage en même temps à faire sa légitime au dernier lorsqu'il n'a pas les treize cartes, et lorsqu'il en a treize, à l'obliger d'en écarter trois pour n'en prendre que deux, afin de n'avoir pas au delà des douze cartes qui doivent composer son jeu.; et il ne peut du reste avoir plus de douze cartes que par sa faute, qui sera punie à la rigueur si le cas arrive. Cette règle est aussi généralement reçue.

III. Qui prend plus de cartes qu'il n'en a écarté, ou s'en trouve en jouant en avoir plus qu'il ne faut, ne compte rien du tout, ni ne peut empêcher son adversaire de compter tout ce qu'il a dans son jeu, encore que ce qu'il a fût de beaucoup inférieur au jeu de celui qui a treize cartes ou davantage.

La rigidité de cette règle est fondée sur la justice, puisque souvent une carte suffit dans un jeu pour le faire valoir et abattre. Elle est reçue de tous les joueurs de Piquet qui se piquent de savoir le Jeu.

IV. Qui prend moins de cartes ou s'en trouve moins, peut compter tout ce qu'il a dans son jeu, n'y ayant point de faute à jouer avec moins de cartes; mais son adversaire compte toujours la dernière, attendu qu'il ne fournit point, et par conséquent il ne saurait être capot; au lieu que celui qui a moins de cartes le serait, si son adversaire faisait les onze premières levées, n'ayant point de quoi fournir à la douzième.

Il me semble d'abord que l'on soit moins rigide sur cette règle que sur le précédent; cependant, si l'on examine bien que celui qui n'a que onze cartes ou moins, ne se préjudicie qu'à lui-même, on le trouvera suffisamment puni de risquer le capot sans pouvoir le faire. Tous les Joueurs admettent cette règle de la sorte.

V. Qui a commencé à jouer, et oublié à compter cartes blanches, le point ou les as, rois, dames, etc. ou les tierces, quatrièmes: quintes, etc. qu'il peut avoir de bonnes dans son jeu, n'est plus reçu à les compter après, et tout cet avantage devient nul pour lui.

Cette règle est rigide, en ce qu'il semble n'y avoir point de mauvaise foi; mais l'on conviendra que celui qui oublie de compter son jeu, faisant une faute, il est juste qu'il en soit puni. Tous les Joueurs admettent de même cette règle.

VI. Lorsqu'avant que de jeter la première carte, on ne montre pas le point qu'on a plus que son adversaire, ou quelque tierce, quatrième, etc. on ne peut plus y revenir, et on les perd. En ce cas, le premier à qui l'on aurait dit que son point ne vaut pas ou ses tierces, etc. ou trois de quelques autres choses, est en droit, pourvu qu'il ne joue pas sa seconde carte, de compter son jeu, qu'on lui aurait dit ne point valoir, et qu'on n'aurait point montré ou accusé.

C'est avec justice que l'on admet à revenir pour compter son jeu, celui à qui on aurait dit que son jeu n'est pas bon, puisqu'il ne le montre pas sur la parole de l'adversaire, lequel étant de mauvaise foi, pourrait toujours dire: ne vaut pas, au hasard qu'on oublierait de le montrer auparavant de jouer. Tous les Joueurs sont d'accord sur cette règle.

VII. L'on doit continuer à donner de la même manière que l'on a commencé, soit par deux ou par trois, pendant tout le long d'une partie, à moins qu'auparavant que de mêler, l'on n'avertisse que l'on donnera par deux ou trois: alors l'on peut changer de manière sans avertir, en commençant chaque partie.

La raison de cette règle est plausible, puisqu'un Joueur qui connaîtrait les cartes, et qui verrait que la troisième ou quatrième seraient bonnes, donnerait par deux ou par trois, cherchant par-là son avantage. Elle est reçue de tous les Joueurs, et fort bien établie, pour prévenir jusqu'aux moindres abus.

VIII. Il n'est pas permis d'écarter à deux fois; c'est-à-dire, que du moment que l'on a touché le talon après avoir écarté tel ou tel nombre des cartes qu'on a jugé à propos, on ne peut plus les reprendre, et cette loi regarde également les deux Joueurs. La même raison a fait recevoir de tous les Joueurs la présente règle.

IX. Il n'est pas permis à aucun des deux Joueurs de regarder les cartes qu'il doit prendre en les étendant avant que d'écarter; c'est pourquoi lorsque celui qui a la main ne prend pas les cinq cartes du talon, il doit dire à son adversaire: je n'en prends que tant, ou j'en laisse tant. La même raison a fait établir cette règle qui est généralement reçue, afin de lever le prétexte qu'on pourrait avoir lorsqu'on est dernier, de dire que l'on ne sait point le nombre des cartes qui restent au talon, le premier ayant pu en laisser.

X. Celui qui a écarté moins de cartes qu'il n'en prend, et s'aperçoit de sa bévue avant que d'en avoir retourné aucune, ou mise sur les siennes, est reçu à mettre ce qu'il a de trop sans encourir aucune peine, pourvu néanmoins que son adversaire n'ait point pris les siennes; car s'il les avait prises et vues, il lui serait loisible de jouer le coup ou de refaire; et si le coup se jouait, la carte de trop serait mise à l'un des deux écarts, après avoir été vue des deux Joueurs.

Ce coup qui a été longtemps disputé a été enfin décidé selon-les droits de la justice, puisque par cette décision on a mitigé la punition; de sorte que, quoique celui qui fait la faute ne soit pas puni avec toute la rigueur que l'est celui qui a trop de cartes, n'étant pas tout-à-fait dans le cas, à cause qu'il se déclare avant que de voir sa rentrée, devant même que de la joindre à son jeu, il n'y a par conséquent pas de mauvaise foi à punir: cependant; comme il fait faute, il est de la justice que celui à qui cette carte serait allée, et qui aurait pu rendre son jeu bon, soit le maître de s'y tenir ou de refaire. Les Joueurs qui jugent les coups par raison et sans prévention, trouvent cette règle fort bien établie, et l'admettent comme elle est.

XI. Si celui qui donne deux fois de suite, reconnaît sa faute avant d'avoir vu aucune de ses cartes, son adversaire sera obligé de faire, encore même qu'il ait vu son jeu.

Cette règle est très-conforme à l'équité, puisqu'un chacun doit faire à son tour, et que celui qui mêle ne peut point agir en cela de mauvaise foi, dès qu'il en avertit avant que de voir son jeu: elle est reçue ainsi partout.

XII. Quand le premier accuse son point, et ce qu'il peut avoir à compter dans son jeu, et que l'autre lui ayant répondu: cela est bon, il s'aperçoit, ensuite en examinant mieux son jeu, qu'il s'est trompé, pourvu qu'il n'ait point joué, il est reçu à compter ce qu'il a de bon, et efface ce que le premier aurait compté, encore que ledit premier eût commencé à jouer.

Il y a bien des Joueurs qui admettent que lorsque l'on a accusé son point on doit s'y tenir, ne pouvant point l'augmenter, mais bien le diminuer, si l'on s'aperçoit n'en avoir pas autant que l'on avait d'abord accusé: je serais bien de leur sentiment là-dessus, particulièrement si cela arrivait souvent: il n'en est pas de même à l'égard des tierces, quatrièmes, etc. quatorze et trois as, etc. on peut toujours y revenir jusqu'à ce que l'on ait joué, excepté, par exemple, si un Joueur ayant trois as ou choses semblables, et qu'il demandât si trois valets sont bons, pour découvrir si son adversaire a trois dames qu'il pourrait avoir, il ne saurait revenir à compter ce qu'il a de bon; il en est de même d'une tierce supérieure, si l'on demandait d'une de beaucoup inférieure, la même chose.

Cette règle regarde les deux Joueurs, et elle a lieu par-tout à l'égard des tierces, quatrièmes, etc. quatorze, trois as, trois rois, etc. mais à l'égard du point, bien des Joueurs ne l'admettent pas, à cause qu'il pourrait y avoir de la surprise en faisant découvrir par-là à son adversaire le côté dont il a son point, qu'il pourrait avoir de deux côtés: si cependant le coup arrivait une fois par hasard, il pourrait y revenir: au lieu que si cela arrivait plusieurs fois, on pourrait obliger un Joueur sujet à se méprendre, à s'en tenir au premier point qu'il accuserait , la loi étant égale d'ailleurs.

XIII. Celui qui pouvant avoir quatorze d'as, de rois, de dames, de valets ou de dix, en écarte une de celles-là, et n'accuse par conséquent que trois as, et qu'on lui a dit qu'ils sont bons; celui-là, dis-je, est obligé de dire au juste à son adversaire laquelle de ces cartes lui manque, pourvu qu'il le lui demande d'abord, après qu'il a joué la première carte de son jeu.

Cette règle est établie afin d'éviter l'embarras que causerait la nécessité ou l'on serait d'étaler ses quatorze ou ses trois as , rois, etc.

XIV. S'il arrivait que le jeu de cartes se rencontrât faux, c'est-à-dire, qu'il y eût deux dix ou deux autres cartes d'une même façon, ou qu'il eût une carte de plus ou de moins, le coup seulement demeurerait nul; les précédens, s'il y en avait de joués, seraient cependant bons.

Cette règle porte en elle-même la raison pourquoi elle est, faite, n'y ayant point de jeux ou l'on joue les coups faux.

XV. Si en donnant les cartes il s'en trouve de retournée, il faut rebattre, et recommencer à les couper et à les donner, à cause du désavantage qu'elle pourrait apporter à celui dans le jeu de qui elle se trouve, et de l'avantage que pourrait en tirer l'adversaire.

XVI. S'il se rencontre une carte tournée au talon, le coup est bon, pourvu que ce ne soit pas la carte de dessus, ou bien la première des trois que le dernier doit prendre; et s'il y en avait deux, il faudrait refaire.

Ce coup, qui a été le sujet de tant de disputes, a été décidé de la sorte par les plus habiles Joueurs; et leur raison est que la carte tournée qui est au milieu des cartes du talon ne saurait être vue, si celui qui la prend veut prendre garde à son jeu; d'ailleurs, quand même elle serait vue, elle ne le serait qu'après que les écarts sont faits, ce qui ne saurait plus changer le jeu, et par conséquent y préjudicier: cette règle est généralement reçue par tous ceux qui se piquent de savoir le Piquet.

XVII. Celui qui accuse faux, comme de dire: j'ai trois ou quatre as , rois, dames, valets , ou dix, qu'il pourrait avoir même, et qu'il n'a cependant pas, ne compte pour cela rien de tout ce qu'il a dans son jeu, à moins qu'il ne se reprenne avant de jeter sa première carte; car s'il a joué seulement une carte, et que son adversaire s'aperçoive d'abord, ou au milieu ou à la fin du coup, qu'il a compté faux, il l'empêche non-seulement de rien compter de son jeu, mais il compte encore tout ce qui est bon dans le sien; ce que l'autre ne peut point parer: il en est de même de celui qui, au lieu de compter quatorze d'as ou de rois, etc. ou trois de quelque chose, compterait à la place ce qu'il n'aurait pas, comme au lieu des as compterait des rois, etc.

Il est aisé de comprendre que cette règle n'a été faite que pour punir la mauvaise foi de ceux qui, sous prétexte de se tromper, pourraient compter ce qu'ils n'auraient pas, et qu'ils pourraient avoir, et il faut punir comme mauvaise foi tout ce qui peut être soupçonné l'être, la moindre apparence étant punie au jeu. Tous les Joueurs admettent cette règle.

XVIII. Toute carte lâchée et qui a touché le tapis, est censée jouée: si pourtant on n'était que second à jouer, et qu'on eût couvert une carte de son adversaire qui ne fût pas de même couleur, et qu'on en eût dans son jeu, en ce cas, il est permis de la reprendre pour fournir de la même peinture, ne pouvant pas y renoncer; il n'y a aucune peine pour cela: mais si n'ayant pas de la couleur jouée, on jetait par mégarde une carte au lieu d'une autre, il ne serait plus permis de la reprendre dès qu'elle est lâchée de la main.

Personne ne s'est jamais opposé à cette règle, puisque n'y ayant point de triomphe à ce jeu, il ne saurait y avoir de renonce.

XIX. Celui qui, pour voir les cartes que laisse le dernier, lorsqu'il en laisse, dit; je jouerai de telle couleur, et qui ensuite jouant ne jette pas de la couleur qu'il serait obligé de jouer, il dépend de son ad versaire de lui faire jouer de la couleur qu'il trouvera à propos.

La punition imposée à ce coup; est pour empêcher qu'il ne se passe rien au jeu qui ait apparence de mauvaise foi. Tous les Joueurs s'y soumettent.

XX. Celui qui, par mégarde ou autrement, tourne ou voit une carte du talon, doit jouer de la couleur que son adversaire voudra, autant de fois qu'il aurait vu de cartes; une fois s'il n'y a eu qu'une carte tournée; deux, s'il y en a eu deux.

Cette règle regarde le dernier dont le premier a vu quelque carte: car si le dernier voyait ou tournait le talon du premier, il serait libre au premier de jouer le coup, ou de refaire après avoir vu son jeu. C'est sans doute cette règle qui a fait le plus de bruit au jeu de Piquet, et pour laquelle les plus habiles Joueurs ont été si long-temps partagés: je ne conçois pas que l'on puisse, en Provence et en Languedoc, condamner au grand coup un homme qui a tourné une carte au talon.

Tous les Joueurs fameux sont du même sentiment rapporté, et la seule raison naturelle leur en sert de preuve.

XXI. Celui qui ayant laissé une carte du talon, la mêle à son écart avant de l'avoir montrée à son adversaire, peut être obligé par lui, après qu'il lui a nommé la couleur dont il commencera, à lui montrer tout son écart: il lui est permis de ne pas la voir ni montrer, pourvu qu'il ne la mêle point à son écart.

Cette règle est dans la justice, puisque dès que le dernier a vu la carte qu'il laisse, son adversaire est en droit de la voir: dans le doute laquelle c'est, il est juste qu'il les voie toutes. Cette règle est généralement reçue.

XXII. Qui reprend des cartes dans son écart, est surpris à en changer, ou fait d'autres tours de fripon, perd la partie, et doit être chassé comme un coquin avec qui on ne doit plus jouer. La peine de cet article ne saurait être assez forte, puisque c'est pour punir un fripon avéré.

XXIII. Qui quitte la partie avant qu'elle soit finie, la perd, à moins que de grandes affaires ne l'obligeassent à quitter; il faut en ce cas que ce soit d'un mutuel consentement qu'elle soit remise.

C'est pour prévenir les abus qui se glisseraient tous les jours par ceux qui voyant leur partie mauvaise, voudraient la renvoyer, afin d'éviter ensuite de la finir.

XXIV. Celui qui croyant avoir perdu, jette ses cartes qu'on brouille avec le talon, perd en effet la partie, encore qu'il s'aperçoive après qu'il s'est mépris; mais si rien n'est mêlé, il peut revenir, pourvu que l'autre n'ait pas brouillé son jeu.

De même s'il arrive à la fin d'un coup qu'un Joueur ayant en sa main deux ou trois cartes, et croyant que son adversaire les a plus hautes, il les jette toutes ensemble; si celui qui joue contre lui montre alors ses cartes, il les lève pour lui, quoique ses cartes soient inférieures, et le premier n'en peut revenir, perdant en effet les cartes qui lui restent.

Cette règle est fort bien établie, puisque celui qui aurait besoin de son écart pour achever, n'aurait qu'à céder la partie, s'il lui était permis de reprendre son jeu qui serrait brouillé, et prendre par-là les cartes dont il aurait besoin; et la vivacité de celui qui cède ses cartes, en comptant que son adversaire en a de plus hautes, ne mérite pas une moindre punition.

XXV. Celui qui étant dernier écarterait et prendrait les cartes du premier avant que le premier eût eu le temps de faire son écart, et les aurait mêlées à son jeu, perdrait la partie s'il jouait au cent, et le grand coup s'il jouait en partie; mais si le premier avait eu le temps d'écarter, et qu'il eût attendu que le dernier eût pris ses cartes, se croyant être le premier, le coup sera bon, et celui qui est de droit premier commencera à jouer.

Cette règle ne peut être trop rigide dans le premier cas, puisque la mauvaise foi est manifeste dans celui qui se hâte de faire son écart pour prendre les cinq cartes que son adversaire doit prendre; au lieu que dans le second, c'est précisément la faute du premier, qui doit savoir que c'est à lui à en prendre cinq.

XXVI. Quand on n'a qu'un quatorze en main qui doit valoir, on n'est pas obligé de dire si c'est d'as, de rois, de dames, etc. on dit seulement, quatorze, mais si on en peut avoir deux dans son jeu, et que l'on n'en ait qu'un, ayant écarté une carte ou deux qui vous réduisent à un seul, alors on est obligé de nommer le quatorze que l'on a.

Cette règle est naturelle, en ce que celui qui n'a qu'un quatorze à craindre, doit nécessairement savoir le quatorze que l'adversaire accuse; au lieu qu'il n'en est pas de même s'il en a deux, pouvant en avoir un bon et un plus bas qui ne vaudrait pas.