DEVISAIRE BRETON - par M. E. DE BOCERET - 1890

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Armes: blasons et parfois cimier, légende et devise, tenants et supports et autres ornements extérieurs.

ADHÉMAR

(Bretagne, Provence, Dauphiné, Languedoc)

D'or à trois bandes d'azur.

Devises : I. Plus d'honneur que d'honneurs. II. Lancea sacra (Lance sacrée).

La si belle devise: "Plus d'honneur que d'honneurs" a pour corps les trois bandes que nous remarquons dans les armoiries d'Adhémar. La bande, dans les pièces honorables de l'écu, symbolise I'écharpe du chevalier. Or à Rome, comme plus tard dans les Gaules, le collier, la ceinture, l'écharpe et l'anneau étaient appelés honneurs. On en dépouillait les traîtres et les félons.

Quant au cri Lancea sacra, nous le croyons inspiré par un épisode de la 1ère croisade. La lance qui perça le côté de Notre-Seigneur, retrouvée miraculeusement, fut portée au milieu d'une escorte choisie, à presque toutes les batailles, probablement par Adhémar, l'illustre évêque du Puy, qui fut enseveli dans l'église Saint-Pierre d'Antioche, au lieu même où la sainte lance avait été découverte.

ANCENIS

De gueules à trois quintefeuilles d'hermines.

Devise: Folium ejus non defluet (Sa fleur ne tombera pas).

Texte emprunté au Psaume 1er. Le roi prophète y compare l'homme de bien à un arbre planté sur le bord des eaux vives. Les feuilles ne tomberont pas, parce que ses racines sont toujours baignées par une source féconde. Les quintefeuilles ou roses des armoiries, sont le corps de cette devise. Elle a été portée par le cardinal de Bourbon.

ANDIGNÉ

(Bretagne et Anjou)

D'argent à trois aiglettes de gueules, becquées et membrées d'azur.

Devise: Aquila non capit muscas. (L'aigle ne prend pas les mouches).

Cette devise a pour corps les aigles des armoiries. Nous ne savons si la maison d'Andigné originaire d'Anjou, l'apporta de cette province en Bretagne, lorsqu'elle y vint au XVIe siècle. L'aigle, oiseau royal, ne peut se contenter d'une proie infime; un grand seigneur regarde comme au-dessous de lui toute mesquine vengeance. Dans une querelle célèbre du moyen âge, un docteur orgueilleux, auquel on posait une question d'une simplicité primitive, s'en trouva froissé, et répondit par ce proverbe:" Aquila non capit muscas." Son interrogateur ajouta: "Nec Ecclesia superbos! ".

BEAUMONT DU REPAIRE ET D'AUTIER

(Bretagne et Dauphiné)

De gueules à la fasce d'argent, chargée de trois fleurs de lys d'azur.

Devise: Impavidum ferient ruinae. (Les ruines le frapperont sans qu'il tremble).

Cet hémistiche d'Horace (ode 3, livre 3) est tiré de l'ode magnifique dans laquelle le poète latin fait le portrait de l'homme juste et énergique. Il a été pris comme devise par les Beaumont, par allusion à leur nom. Une montagne élevée et bien assise sur sa base défie la fureur des éléments et est l'emblème de la force.

Les Beaumont ont une seconde devise qui n'est à proprement parler qu'un dicton: Amitié de Beaumont. Heureuse la famille dont on peut vanter l'amitié sûre et durable; elle ne peut manquer elle même d'amis.

BIGOT DE MOROGUES

(Bretagne, Berry, Orléanais)

De sable à trois têtes de léopards d'or.

Devise: Tout de par Dieu.

Le mot Bigot est tiré des deux mots anglais: by god, qui signifient par Dieu. Le nom de cette maison a donc amené tout naturellement sa devise.

BROSSART DE CLÉRY

(Bretagne, Normandie, Ile-de-France, Anjou, etc.)

D'azur au chevron d'argent, accompagné de trois fleurs de lys d'or.

Devise: Audenti succedit opus. (L'audace donne le succès).

Cette devise est celle de Richard et d'Edmond Brossart; gentilshommes verriers à Arques, en Normandie, vers le commencement du XVIe siècle. Portée aussi par Pépin de Sailly.

BRUC

D'argent à la rose de gueules, boutonnée d'or, une sainte Vierge en cimier.

Devises : I. Flos florum, eques equitum (fleur des fleurs, chevalier des chevaliers). Il. Flos florum, virgo Maria, in te confido ! (Fleur des fleurs, Vierge Marie, je mets ma confiance en vous).

La rose des armoiries forme le corps de cette devise. Elle est célèbre. On l'a quelquefois trouvée trop orgueilleuse, et l'on a ri de voir des hommes se comparer à une fleur. Nous ne croyons pas que ce reproche soit fondé. Si la seconde partie: eques equitum, s'adresse aux hommes et vante leurs vertus guerrières, la première s'adresse aux femmes de la maison de Bruc, et veut peindre leur beauté. On peut l'entendre autrement et dire: De même que la rose est la reine des fleurs. les gentilshommes de cette maison sont les chevaliers des chevaliers. C'est, croyons-nous, le sens primitif, mais, lorsque par suite d'une grâce éclatante reçue de la sainte Vierge, un de Bruc eut obtenu de placer son image en cimier, et changea eques equitum en virgo Maria in te confido, le sens devint clair et l'interprétation facile; c'est un hommage rendu à Marie, Vierge des Vierges, fleur des fleurs, rose mystique, et un cri de confiance vers une patronne puissante et vénérée.

CHABOT

(Bretagne, Poitou)

D'or à trois chabots de gueules en pal.

Devise: Concussus surgo. (Quand on me frappe je bondis).

On chercherait vainement le corps de la devise de la maison de Chabot dans ses armoiries; c'est une balle de paume. Ce fut Philippe Chabot, amiral de France, en 1543, qui la choisit. On peut faire un rapprochement entre sa vie et cette devise. D'abord, comblé d'honneurs par François 1er il tomba ensuite en disgrâce, et fut éloigné de-la cour, mais bientôt il reprit son empire sur l'esprit du roi et devint plus puissant qu'auparavant. De même une balle de paume rebondit sur la raquette qui l'a frappée.

DU CHASTELLIER

De gueules au dextrochère mouvant du côté gauche, tenant une fleur de lys d'argent, accompagnée de quatre besants de même, un en chef, deux en flancs et un en pointe.

Devise: Non inferiora secutus. (N'a pas fourni une carrière moins glorieuse).

Cette devise, hémistiche du sixième livre de l'Énéide, a pour corps le dextrochère des armoiries. Dans Virgile: Non inferiora secutus, signifient que Misène, après la mort d'Hector, s'est attaché à la fortune d'Enée, et que les vertus de son dernier compagnon ne sont pas moindres que celles du premier. Celui qui l'a portée le premier est vraisemblablement Olivier du Chastellier, président à mortier en 1594. Mais avant lui Marguerite d'Orléans, reine de Navarre, l'avait écrite au-dessous d'un souci, emblème du soleil, et qui dit-on se tourne vers lui et l'accompagne dans sa course. (C, Paradin, p. 46). C'était aussi la devise de Lancelot du Lac, auteur dramatique et capitaine, qui la portait surmontée d'un homme foulant un monde aux pieds, tenant d'une main une palme de l'autre une épée nue, entourée d'un rouleau de papier, sur lequel elle était répétée. Le comte de Sainte-Aldegonde, pair de France et la famille d'Archamps, à Besançon, la portent aussi.

L'ESTOURBEILLON

D'argent au griffon de sable, armé et lampassé de gueules.

Cri: Crains le tourbillon.

Devise: Fidelis et audax. (Fidèle et audacieux).

Cette devise a pour corps le griffon des armoiries. Cette devise et ce cri sont rapportés dans la Réformation de 1669. Le cri est l'origine du nom de la famille. Au moyen âge on disait un estourbillon pour un tourbillon; exemple: "Il s'éleva devant le roy un grand estourbeillon de fouldre ", (Froissart). D'après une tradition respectable, appuyée sur la concordance des noms, de lieux et des dates, le premier titulaire aurait été un soldat de l'armée d'un comte de Rennes. Ce dernier en le voyant s'élancer dans la mêlée à un combat contre les Normands, comme un estourbillon, lui aurait dès lors attribué ce nom, en attachant désormais le dit Estourbeillon à sa personne.

GALBAUD DU FORT

D'azur à trois noix de galle d'or.

Devise: In fide maneo. (Je reste dans ma foi).

Cette devise date de 1793. Le chevalier Pierre Galbaud du Fort, officier d'artillerie, était en 1793 sous-lieutenant au régiment d'Aquitaine, à l'armée des princes. Sa belle conduite à la prise d'une redoute située près de Belheim lui mérita les éloges du prince de Condé, et Ia Iettre qui suit datée de Gerrnersheim, 27 juillet 1793 :

" Mon cher du Fort, A la satisfaction que m'a fait éprouver votre belle conduite à l'affaire de Belheim, j'ajoute le plaisir de vous annoncer que Monsieur le Régent vous autorise à joindre à vos armes la devise in fide maneo, qui apprendra à tous combien vous avez toujours été fidèle et dévoué à la cause du Roi. Recevez. etc. "

HAY DE GOURMEAU ET DE SLADE

D'argent à trois écussons de gueules.

Devise: Renovate animos. (Renouvelez vos esprits).

Cri: Hay, Hay !

Vers 900, le laird écossais Hay était à la charrue, lorsqu'il vit ses compatriotes fuyant devant les Saxons. Il s'élança suivi des femmes de son clan en poussant le cri: Hay, Hay! La devise plus récente n'est que la traduction élégante du cri.

HERSART DE LA VILLEMARQUÉ ET DU BURON

D'or à la herse de salle.

Devise: Evertit et aequat. (Il renverse et aplanit).

" Guillaume de Hénaut, comte d'Ostrevant, fils aîné du duc Albert de Bavière, comte de Hénaut, Hollande et Zélande, portait, en l'an 1390, en devise la Herse figurée d'or, sur son étendard, lequel fut déployé en l'armée chrétienne, contre les Sarrasins, devant la ville de Maroc, en Afrique, en Barbarie. " (CI. Paradin).

Cette devise; qui fait allusion au nom de Hersart, a pour corps la herse des armoiries. De même que cet instrument renverse la crête du sillon et aplanit la terre, ainsi le guerrier vaillant doit renverser ses ennemis et faciliter le passage à ses compagnons d'armes.

KERSAUSON

De gueules au fermail d'argent.

Devise: Predew, predaw. (Prêt, toujours prêt).

Cette devise a pour corps le fermail, seul meuble de l'écu des Kersauson, signe distinctif de leur race dès avant la première croisade. Le fermail est quelquefois un verrouil, mais ici c'est la bande du ceinturon que l'homme de guerre doit être prêt, toujours prêt à ceindre.

MADEC

D'azur à l'épée flamboyante d'argent en fasce, la garde et la poignée d'or, accompagnée en chef d'une étoile d'argent, et en pointe d'un croissant d'or.

Devise: Nullis perterrita monstris. (Elle n'est effrayée par aucuns monstres.)

Cette devise a pour corps l'épée flamboyante des armoiries. Il est possible que l'étoile et le croissant soient ici pour représenter les monstres ou prodiges. On sait quelle était la peur des anciens de tout ce qui était comète ou éclipse. Cette devise fut concédée à Nabad Madec, gouverneur du Mogol, puis colonel d'infanterie et chevalier de Saint-Louis, à l'occasion de son anoblissement en 1780. Comparez avec la devise d'Acigné : Neque terrent monstra (Les monstres eux-mêmes ne m'effraient pas).

MOLAC

De gueules à sept macles d'argent.

Devises : I. Gric da Molac. (Silence à Molac). II. Bonne vie. III. Macula sine macula (Mâcle sans tache).

Cette troisième devise a pour corps les mâcles des armoiries. On trouve, dit M. Kerviler, dans une grande partie de la Bretagne, et surtout aux environs de Josselin, un silicate d'alumine ayant la forme d'un losange, au milieu duquel est un losange plus petit et noir, formant tache par conséquent. On peut aussi dire que la mâcle est la maille de la cotte d'armes. En ce cas, on pourrait traduire: Nom ou écu sans taches.

Rappelons ce vers classique: Si forte virum quem, conspexere silent arrectisque auribus adstant, à propos de la première devise: Silence à Molac!

LA ROCHEFOUCAULD

Burelé d'argent et d'azur de dix pièces, à trois chevrons de gueules brochant.

Devises : I. C'est mon plaisir. II. Eternum que manebit. (II demeurera éternellement). III. Cheto fuor commoto dentro. (Le travail intérieur se trahit bien faiblement au dehors). Cri: La Roche.

Le cri " La Roche" est équivoque au nom de La Rochefoucauld. Cette illustre maison a pour devise: C'est mon plaisir. Elle se rapproche beaucoup de ceIle d'Olivier de Clisson, et date probablement de la même époque. Eternum que manebit n'est pas une devise de famille, malgré l'allusion qu'elle contient. Elle fut prise par le duc de La Rochefoucauld, à l'occasion d'un carrousel donné par Henri IV. Elle avait pour corps un rocher battu par les flots. Cheto fuor commoto dentro, est aussi une devise de tournoi. Elle fut prise par François VIII de La Rochefoucauld, prince de Marcillac, sous le règne de Louis XIV à l'occasion d'un tournoi. Elle avait pour corps une montre et faisait allusion à un amour violent et contenu.