LE BLASON DES ARMOIRIES par Claude RAVOT - Hiérosme de Bara

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Un extrait...

            Lecteur, tu vois icy, du temps des peres vieux
            Et du prefent, les traits de la marque eftimee
            Que portoyent les vaincueurs, qu'ores la renommee
            Rend apres leurs grands faits, du temps victorieux.

            F. Beroald.

A MONSIEVR,
MONSIEVR DE LANGES, SEIGNEVR DVDIT LIEV, ET DE LAVAL, CON
feiller du Roy noftre Sire, & lieutenant general en la Senefchauffee de Lyon.

MONSIEVR, Comme ces annees paffees ie me fuffe mis à fueilleter & lire les liures qui traitent de l'vne des illuftres marques de nobleffe, & des enfeignes & titres militaires, qui de tout temps ont monftré & fait reconoiftre les maifons eftimees & de renom: ie me fenti tellemt affectionné à ce parti, que ie tafché d'en recueillir quelque chofe qui peuft profiter. Ce que iay pourfuyui de telle forte, que finalement i'en ay dreffé ceft oeuure, où ie declare ce qui iufques à prefent n'a pas efté trop bien entendu ni pratiqué de plufieurs: à quoy on pourra remedier par ce moyen que ie prefente, car ie declare icy le blafon des armoiries, defquelles ie fai voir vn bon nombre de figures, y monftrant la varieté des metaux & couleurs, qui deuement fy doiuent appliquer, tant fuyuant ce qu'ont pratiqué les Anciens, que felon qu'en vfent les Modernes; ainfi que ie l'ay peu conoiftre. Proteftant toutesfois, que ie ne pretends en quelque forte ou maniere que ce foit, enfeigner ceux qui naturellemt en ont la conoiffance: car fi ie m'eftois tant oublié, cela me feroit à bon droit imputé à outrecuidance & temerité, mais mon intention eft feulement d'aider ceux qui defirent en fcauoir quelque chofe. Et dautant qu'il m'a femblé que ce mien labeur pourra apporter quelque proufit au public, & qu'il aura cefte faueur de vous eftre agreable, i'ay prins la hardieffe de la vous prefenter imprimee, & la faire fortir fous voftre fauue-garde en public. A quoy faire m'a incité, la bonne affection laquelle de voftre grace vous me portez, comme vous m'auez fait apparoir par tãt de plaifirs que i'ay receu & reçoy encores iournellement de vous. Vous priant qu'il vous plaife receuoir le prefent, non pas ayant efgard à la perfonne de celuy qui le vous offre, mais à la fubftance de l'oeuure, qui de foy eft recom-mandable & excellente, & le garder comme vn tefmoignage du defir que i'ay de vous faire à toufiours treshumble fe-ruice. Et fur ce

Monfieur. Ie prieray le Createur qu'il vous maintienne en toute profperité & felicité. De Lyon, ce 10. de Mars, 1579.

Voftre tref-humble & perpetuel feruiteur,
HIEROME DE BARA


AV LECTEVR DEBONNAIRE. S.

Novs fommes grandement obligez aux Anciens, de ce qu'il nous ont laiffé touchant le blafon des Armoiries, & de ce qui en defpend. Des efcrits defquels ie me fuis ferui en l'ornement de ce traité, pour auoir quelque part en ce qui a efté bien dit par eux: dautant que ce qui eft fait à l'exemple & imitation des plus grãds & mieux prifez, femble toufiours eftre faict de bon droit & à moindre reprehenfion, ioint auffi que fi nous voulons atteindre & toucher au vray point d'honneur, il faut en ceci commencer à l'antiquité premiere, laquelle a efté prefque du tout enfeuelie. Mais pour ce qu'il eft impoffible d'obferuer toutes chofes comme il feroit requis, ie te fuppliray, amy lecteur, me fupporter, en ce que tu trouueras auoir efté obmis, à caufe de tant de diuerfitez d'armes qui fe voyent. Car qui les voudroit toutes reprefenter, & declarer par le menu chafcune chofe, felon la diuerfité qui fe trouue en tant d'autheurs, il faudroit vn trop gros volume. Ce qui n'a point efté mõ intention, mais feulement te mõftrer les principales, & dõner occafion à ceux qui font bien verfez & entendus en telles chofes, d'enrichir & amplifier ce qui en eft icy defcrit, felon le loifir & la volonté que Dieu leur en donnera. Te priant, Lecteur debonnaire, vouloir prendre de bonne part ce qui t'eft offert, & ne trouuer eftrange, fi ie me fuis en plufieurs endroits deftourné de la commune maniere de parler, & vfitee de plufieurs. Notamment quand ie parle des Ponts, Creneaux, ou Breteffes, Tours, Forts, Villes, & autres chofes femblables, dautant que i'ay tafché de tout mõ pouuoir, d'enfuyure les plus anciens, comme il fera dit en plufieurs endroits de ce liure. Vueilles-moy auffi excufer fi quelque fois tu trouue des paroles mal agencees, & des mots peu ou point vfitez de noftre temps: dautant que le defir que i'ay eu d'enfuiure aucunement l'ancienneté, & la diuerfité des langues,des proprietez, façons particulieres, figures, obferuations, lieux, hiftoires, & quelques autres formes fpeciales, lefquelles ne font plus receues ny en vfage, m'a faict, comme i'ay dit, vn peu d'efuoyer du chemin que ie pretendois tenir: de forte, que ie me fuis laiffé aller, à ce que les Anciens en ont efcrit, & comme ie croy pratiqué. N'entendant neantmoins, auoir fait aucune chofe au preiudice d'aucun, tant pour ce qui cõcerne les armoiries, que pour le iugement d'icelles. Le laiffant en tout & par tout à tous Roys d'Armes & Heraults, & à ceux à qui il appartient. Eftant mon but principal, de fatisfaire aucunement (en donnant quelque ouuerture & conoiffance) à quelques vns qui ont grandement defiré y auoir quelque entree. Que fi i'apperçoy que tu m'aye prefté quelque faueur, en mon premier coup d'effay, ie feray encouragé de te faire voir cy apres quelque chofe de mieux, que ie te garde, s'il plaift à Dieu me prefter vie & fanté.


LE BLASON DES ARMOIRIES,
Auquel eft monftree la maniere de laquelle les Anciens & Modernes ont vfé en icelles.

Il feroit bien requis, auant que d'entrer en matiere, traicter de l'origine, antiquité, pris & valeur, tant des metaulx, que de l'excellence des couleurs, de leur varieté, & de ce qui en depend, felon que le requiert le Blafon des Armoiries: & enfeigner le naturel inftinct, faculté, deuoir, grandeur, ou petiteffe, de chafcun animal & vegetal, en les comparant à vertus & vices, à grãdeurs & petiteffes, & chofes femblables, felon ce qui eft en eux, & qui doit eftre aucunement remarqué en ce qui concerne les armes, auec la fignification des noms de diuerfes chofes qui fe trouuent en icelles. Item, cõme ils ont efté impofez, à quelle fin, & en quel temps les Monarchies, Empires, Royaumes, & autres feigneuries: & mefmes leurs armoiries ont efté fouuent changees, notamment es Gaules, deuant & apres Pharamond, premier Roy des François, qui portoit de Gueulles à trois diadefmes, ou couronnes d'or. Depuis, Clouis, premier Roy Chreftien, portoit d'Azur à trois fleurs de lis d'or. Pepin le bref les portoit fans nombre, & fes fucceffeurs, iufques à Charles fixiefme, qui en l'an 1381. reprint les anciennes armes de Clouis, qui fe voyent encores. Cela di-ie feroit bien requis: mais dautant que plufieurs fcauans perfonnages en ont par ci-deuant parlé amplement en plufieurs endroits de leurs efcrits, ie m'en deporteray.
Si fault-il toutefois que ie die en paffant quelque chofe de l'ancienneté des armoiries, tant pour l'honneur d'icelles, que pour l'ornement & enrichiffement de ceft oeuure, & foulager quelques vns qui n'auroyent les liures ou le loifir de les recercher, & inciter les autres à regarder & lire les hiftoires anciennes, pour en auoir plus grande & vraye certitude, principalement les amateurs d'icelles. Ainfi doncques nous en traiterons affez fommairement, & au plus bref qu'il nous fera poffible, afin de n'ennuyer le lecteur.
Berofe de Caldee, trefancien Hiftorien, & Diodore Si-cilien, au premier, deuxiefme, & cinquiefme liures de fes antiquitez, parlant d'Ofiris furnõmé Iupiter le iufte (qu'ils difent eftre fils de Cham, fils du Patriarche Noé, furnõmé par eux Ogiges & Ianus) auoit plufieurs enfans: entre lefquels ils nomment le grand Hercules de Lybie, Anubis, Macedon qui fut premier Roy d'Emathie, & du nom d'iceluy fut nommee Macedoine, Lydus Roy de Mæonie depuis nõmee Lydie, Meon, Neptune, Oros, & autres: & qu'il affembla vne grande armée & vn merueilleux peuple, fur lefquels eftoit chef fon fils aifné, qui eft ce grãd Hercules, qui en fon pauois ou bouclier auoit fait grauer pour fes armes vn lyon rampant couronné, tenant de fes pattes vne hache d'armes. Cela eft confermé par vn autre qui dit, que la cité de Fefule en Tofcane porte encores lefdites armes, qui s'y voyent infculpées a caufe qu'iceluy en eft fondateur. Ses deux autres freres, Anubis & Macedon, portoyent en leurs efcus, l'vn vn Chien paffant, & l'autre vn Loup rauiffant ou rampant, (quelqu'vn adioufte qu'il tenoit vne Oye par le col) & ce felon la fignification de leurs moeurs, nature & conditions. Et quant aux armoiries d'Ofiris leur pere, il y auoit vn fceptre Royal, & au deffus vn oeil. Ce qui eft demeuré en grãd eftime parce que lon veoit en plufieurs Piramides, Obelifques Colomnes, & autres anciens edifices, cela infculpé, & a ferui aux anciens Egytiens (defquels il eftoit Roy) comme de lettres ou enfeignes qu'on nomme hierogliphiques. Voila des exemples qui oferoient faire dire, qu'anciennement les armes eftoyent differentes, mefmes entre les freres.
Et parlant de Semiramis Afcalonite, femme de Ninus (qui fut le premier qui fit faire vne image à la femblance de fon pere Belus, commencement de l'idolatrie, pour l'honneur & auctorité qu'il luy attribua) & mere de Ninus fecond, laquelle regna fur les Babiloniens quarante-deux ans, difent qu'elle portoit en fes armoiries vne Colombe.
C'eft chofe certaine & manifefte, felon le dire des hiftoriens, que des le temps de Troye la grande, il y auoit des Roys d'armes & heraux: combien que (comme il fera dit ci-apres) on à attribué l'inftitutiõ d'iceux à Iules Cefar. Car Dares de Phrygie efcriuant comme Paris Alexandre s'eftoit preparé pour venir à la luite (qui eft nommé ieu de paleftre) & eftant entré en lice & preft pour luiter cõtre fon frere Hector, dit, que Ide Roy d'armes du Roy Priam (que Homere au dernier liure de fon Iliade nomme Herault, lors qu'il alla auec Priam vers Achilles, pour auoir le corps mort du preux Hector) voyant ce cheualier inconu, & ne fachant autrement fon nom, f'efcria en cefte maniere: Or eft venu l'efcuyer inconu, portant d'argent à vn chef d'or par artifice de nature, qui veut faire armes pour acquerir hõneur. Ce qui l'efmouuoit à dire ces chofes, eftoit la beauté de Paris, le voyãt nud & blanc (comme dit l'hiftorien) fon chef orné d'vne perruque efpeffe, fembla-ble à fil d'or, ayant peu de barbe femblable, & ne luy voyãt nulles armoiries, compofa ce blafon foudainement, à la venue & veue de Paris: qui eft certaine demonftration, que des lors ces chofes eftoyent en vfage, & mefmes le blafon des armes. Dictis de Crete parlant de la guerre des Grecs & Troyens, dit que les Grecs auoyent armoiries (aucunes defquelles feront mifes en ce liure) Rois d'armes & heraulx, lefquels, en quelque accord qui vouloyent ou feignoyent faire auec les Troyens, furent enuoyez par deuers le Roy Priam, pour en traiter. En outre, parlant de Panthafilee Royne des Amazones venant, auec fon oft, au fecours des Troyens, n'a oublié l'equipage, & entre autres les armoiries d'icelle, & d'autres venans auec elle. Ce qui cõferme Dares de Phrigie, & autres autheurs, aucuns def-quels ont defigné entre elles neuf vaillãtes femmes, defquelles il nous ont laiffé les noms & armoiries affez graues, & belles pour leur fexe.
Or en ce qui a efté dit, nous auons paffé vn autre Hercules, fort eftimé & honoré de plufieurs Poetes, qui, au regard de celuy dont nous auons touché cy deuant, eft dit de Grece, & par lequel, ainfi qu'on le racompte, Troye a autrefois efté ruynée. L'autheur de la mer des hyftoires dit, qu'il portoit en fon efcu vn ferpent à trois teftes, dont il ameine la raifon. Vn autre trefancien dit, que fes vrayes armes eftoit le ferpent hydra à fept teftes, qui fut occis en Lerne, des fagettes dõt Paris fut tué depuis par Philoctetes fon cõpagnon, auquel il les auoit données. Vn autre ra-conte, que fes vrayes & principales armes eftoyent vne pomme d'or, entre dix, qu'il auoit rauie au iardin des Hefperides. Tels & femblables changemens d'armoiries ont efté anciennement, & fe pratiquent encores auiourd'huy en beaucoup de fortes. Mais ie laifferay le iugement de cela à ceux à qui il appartient.
Quãt aux Argonautes, afauoir Iafon, & ceux qui l'acompagnerent, pour n'en auoir eu, ny veu chofe digne d'affeurance, pour la diuerfité qui s'y trouue, nous les auons paffés pour maintenant.
Or entre plufieurs recueils d'armoiries, il fe trouue en beaucoup d'hiftoriens, que de tout temps (oultre les armes des fuperieurs, & des princes & feigneurs) chafcune natiõ auoit quelque chofe de particulier, que la plus grand part d'iceux faifoit grauer ou peindre fur leurs boucliers. Afcauoir ceux d'Egypte, des Crocodilles, Cercopitheces, Ibides, Ichneumones, Hippopotames, Sphynges. Les Perfes, vn Archer, Centaures, Harpies, Striges. Les Parthes, vne aifle eftendue en face, ou vn demi oyfeau fans tefte, ou des Hyenes, Leopards, Cameleopardales. Les Troyens, Minerue. Les Grecs, Neptune. Les Lacedemoniens, vn en. Les Meffeniens, vn en. Les Gallates, toutes formes de beftes. Les Cartaginois, fe faifoyent peindre fur pauois d'or: & infinité d'autres, longs à reciter.
Du temps d'Alexandre le grand, eft recité par les anciennes hiftoires, comme il ordonna du fait des armoiries, eftant fon confeil affemblé, & fpecialement de ce grãd & renõmé philofophe Ariftote (qui en a efcrit en plufieurs endroits) delibera de dõner à fes capitaines, feigneurs & autres, quelques chofes differentes les vnes des autres (& ce en figne de victoire) fur leurs bannieres, pennons, temporalles (qui de prefent f'appellent cottes d'armes) & comme renouuelant le paffé, ordonna par expres, que ce droit de honorer & dõner armoiries, appartiendroit fpecialement aux fouuerains: & à ce qu'on peut coniecturer, fut le premier qui (felon cefte ordonnãce) la mit à effect. Depuis, plufieurs Princes, Republiques, & autres, tant en paix qu'en guerre, ont fuiui ce mefme chemin.
Et es faits du preux & vaillant Iules Cefar, premier Empereur des Romains, fe trouuent pareillement loix & ordonnances du fait des armoiries. Et eft recité, comme luy eftant deuant la cité de Cartage, auec vn grand camp, fon confeil affemblé fur des debats furuenus entre fes capitaines, pour les faits heroiques de leurs vertus & proueffes contre leurs ennemis, ordonna entre autres chofes deux anciens cheualiers pour y prendre garde (afin d'honorer les magnanimes & vertueux) qui depuis ont efté nommez Heraulx: & parce luy eft attribué l'inftitution des Roys d'armes, & Heraulx, comme plus amplement eft contenu efdictes hiftoires, & en plufieurs autres liures, qui font mention des armoiries, defquels le recit feroit trop long. Parquoy celuy qui defirera fcauoir plus amplement leur definition, origine, & antiquité, poids & valeur, aura recours à iceux.
Parce que deffus a efté dit, nous pouuons dire (auec l'experience de ce que nous voyons iournellement) qu'il y a eu, ou qu'il y a trois manieres de faire armoiries. La premiere trefancienne, qui fe faifoit fans aucunes ceremonies ny fubiection d'enfuiure celle des peres, freres, & autres ayant ce droit: mais feulement felon les moeurs & conditions des perfonnes, qui eftoit l'vne & la principale caufe que les freres portoyent differentes armes, mefmes de celles de leurs peres ou predeceffeurs.
La deuxiefme eft celle qu'on tient la meilleure, & ce auec raifon. Car où il y a ordre, les chofes ne peuuent qu'aller bien: dautant qu'il appartient aux Empereurs, Roys, Ducs, Princes, & fouuerains, de dõner ou faire iouir d'armoiries, ceux qu'ils conoiffent eftre nobles & vertueux, & qui le meritent, pour les faire veoir & reluire entre les autres, les animans & excitans à vertu, pour auoir recompenfe, los & honneur.
La troifiefme, qui eft moderne & peu eftimee, eft celle que lon fait fur les noms, furnoms, & autres telles chofes, qui ne conuiennent en rien auec les precedentes.
Cependant il fe voit beaucoup d'armoiries mal entendues, pirement faites, & plus mal ornees des metaux & couleurs, dautant qu'on y applique chofes indignes des armes, & contre leur debuoir. Et parce que communement & le plus fouuent elles font choifies pour quelque fignification ou demonftration de l'intention de ceux qui fe les propofent, ils y font appliquer païfages, figures, fers, inftrumens, & autres telles chofes, peintes & ornees d'autre metaux & couleurs: ce qui n'a efté eftably ni vfité entre les anciens, comme fe pourra voir ci apres. Auffi quelques vns ordinairement changent la forme & maniere des efcus, fur tout aux armoiries des Empereurs, Roys, Princes, Ducs, Contes, Marquis, Barons, & Gentils hommes, les faifant marchans ou roturiers entant qu'en eux eft, parce qu'ils n'obferuent la forme ancienne: & faifant ou formant le tour de leurs armes d'vne forme de targe ou compartiment, accompagné de tortis, rouleaux, & fueuillages, aneantiffant l'ancienneté qui deuoit toufiours demeurer, quand ce ne feroit que pour la difference des villes, citez, republiques, communautez, marchans, gens mecaniques, roturiers & non nobles, defquels le propre eft d'auoir pour le tour (ou clofture) de leurs marques ou autres telles chofes femblables, la targette, ouale, & ce que deffus, & non l'efcu ancien ordonné & eftabli feullement pour les armoiries des nobles, afin de les difcerner & faire conoiftre entre les autres. Car tel peut porter mefmes armes ou enfeignes, afcauoir le feigneur ou gentilhomme, & la ville, marchant, ou roturier, lefquelles par ce moyen feront diftinguees, & conoiftra on par cela de qui elles font.
Or l'efcu eft fait d'vn carré entier & parfait, arondi par le dedans des deux angles d'abas, & venant au milieu du bas d'iceluy fait vne pointe vn peu hors du carré, ce qui le fait apparoiftre plus long que large. Autres le laiffent rond par le milieu du bas, comme il fe voit encores auiourd'huy pratiqué en quelques pays, & en cela ni a rien de difference. Voyla la vraye forme ancienne, ainfi que nous auons peu recueillir & voir en plufieurs pancartes, rubriches, & autres vieux liures, aucuns efcrits à la main, & en lettre rouge, ainfi qu'anciennement on en vfoit.
Il refte maintenant à faire voir par quelques figures d'armoiries, comme elles ont efté faites, entendues & ornees des metaux & couleurs, auec certaines circonftances, defpendances & alliances, pour pouuoir contenter ayder & foulager ceux qui defirent voir & fcauoir que c'eft. Et fpecialement plufieurs Paintres, Vittriers, Pourtrayeurs, Graueurs, Orfeures, Tapiffiers, & autres qui ont befoin de fcauoir & entendre fur tout les noms & mefures des chofes qui f'y appliquent, & ce en quoy les vnes doiuent eftre faites & compofees, afin de les mettre en leur lieu & degré, les fpecifier & orner en leur ordre, notãment quand il y a beaucoup d'alliances, ou anciennement on fe contentoit de la moitié des armes de chafque cofté: ce qui ne s'obferue auiourd'huy, car on les y met toutes entieres, tant d'vn cofté que d'autre, & on s'y delecte grandement.


DE COMBIEN DE METAVLX ET
couleurs les Armoiries fe doiuent compofer & faire, & ce qui leur appartient, & à leur blafon, & quelles fortes de pennes il y a.

Mais auant que paffer plus outre, ie vous diray, que toutes Armoiries font compofées de deux chofes, fcauoir eft de deux metaulx, Or & Argent, & de cinq couleurs, qui fe nomment Gueulles, qui eft Rouge, de Cinabre ou Vermillon, Azur, qui eft bleu, Sable, qui eft noir, Synople, qui eft vert, & Pourpre, qui eft compofé d'Azur & de Rouge: qui font les Metaulx & les Couleurs qui y conuiennent, & font en nombre de fept feullement, & non plus.
Il fault auffi entendre cefte particularité, qui eft vne regle generale & certaine en Armoiries. Qu'il y a deux fortes de Pennes tant feulement: afcauoir, d'Hermines, & de Vair, ou Vairé: qui font chafcunes d'vn metal & d'vne couleur. Car l'Hermine eft d'argent & de fable, & le Vair, d'argent & d'azur. Toutefois en blafonnant, on ne les fpecifie pas, mais en vn mot on dit: Tel Seigneur porte d'Hermines, ou de Vair, excepté quand ils font d'autre metal & couleur, car alors on doit dire: Tel Seigneur porte d'Hermines, ou de Vair, d'Or, Synople, Gueulle, ou aultre. Cõme fera veu cy apres, par les figures des Efcus fuyuans.


EN CE QVI S'ENSVIT ON PEVT voir ce qu'anciennement eftoit entendu par les deux me-taux, & les cinq couleurs, pour l'ornement des armoiries des Empereurs, Roys, Princes, Cheualiers, Gentils-hommes, nobles & vaillans Capitaines, felon l'opiniõ des antiques Caldeans & autres payens: principalement felon les Grecs, qui ont atribué quelques vertus à leurs dieux, deeffes, & fpecialement aux fept planettes, felon qu'ils les demonftroyent tant en peinture qu'en fculpture, leur appropriãt à chafcune fa couleur, en faifant d'icelles des idoles, lefquelles ils veftoyent de ces couleurs: & du nom defquelles, ils ont expreffement nommé les iours: Item de ce qui eftoit fignifié par les douze fignes celeftes, les douze Mois, les quatre Elemens, les pierres precieufes, les nombres, & autres femblables chofes.

DE L'OR.
Le premier lieu, & toute preeminence a efté de tout temps donnee à l'or pur & fin, eftant feul ordonné (par les Anciens) pour les nobles, & n'eftoit permis à aucun de porter or, ne dorure, s'il n'eftoit noble ou cheualier. Ce que les Romains,ont long temps obferué depuis. Et ce pour autant qu'il eft le plus noble, & le meilleur de tous les metaux.
En blafon d'armoiries, des Vertus, il fignifie foy, force, & cõftance, & eft dedié à nobleffe, richeffe, bon vouloir, reconfort, hauteffe, fidelité, pureté, fplendeur, & perfec-tion.
Des fept planettes, il reprefente le Soleil, le plus beau & noble luminaire, auquel font comparez les iuftes, perfeuerãs en la Loy & crainte de Dieu.
Des douze fignes, le Lyon.
Des douze mois, Iuillet.
Des iours de la fepmaine, le Dimanche.
Des pierres precieufes, le Chrifolite, dit topafe.
Des aages, l'adolefcence.
Des fleurs, le Soulci, dit des Anciens, Heliotrope, l'Oeillet d'Inde, & autres.
Des nombres, vn, trois, fept.
Des metaulx, foy-mefmes.

ARGENT.
L'Argent en blafon d'armes, des Vertus, fignifie, Efperance. Et eft mis pour pureté, innocence, humilité, beauté, victoire, felicité & blancheur.
Des fept planettes, il reprefente la Lune.
Des douze fignes, l'Efcreuice.
Des douze mois, Iuin.
Des iours de la fepmaine, le Lundi.
Des pierres precieufes, les Marguerites dites Perles,
Le Sienite tranfparent en blancheur de berylle.
Des quatre elemens, l'Eau.
Des quatre complexions, le flegmatique.
Des aages, enfance.
Des fleurs, le Lis & la Roze blanche, & autres.
Des nombres, dix & onze.
Des metaux, foy-mefme.

GVEVLLES.
Par loix expreffes eftoit ordonné des Anciens, que nul ne portaft de gueulles en fes armes, s'il n'eftoit Prince, ou noble, ou par eux permis & ottroyé.
En blafon d'armes, des Vertus, fignifie charité.
Et eft pour marque de hauteffe, magnanimité, vail-lance & hardieffe.
Des fept planettes, Mars.
Des douze fignes, le Mouton & le Scorpion.
Des douze mois, Mars & Octobre.
Des iours de la fepmaine, le Mardy.
Des Pierres precieufes, l'Efcarboucle (dite des An-ciens Piropus) le Rubis, le coral & autres.
Des quatre Elemens, le Feu.
Des quatre faifons, l'Automne.
Des quatre complexions, la Colere.
Des aages, Virilité.
Des fleurs, le Girofle, ou Oeillet, & Rozes rouges.
Des nombres, trois & dix.
Des metaux, le Fer, duquel, du temps des Anciens Ro-mains, fe faifoyent anneaux, defquels on honoroit les vaillãs foldats, & encores fe fait de luy le cro-quon ferri qui eft beau rouge.

AZVR.
Azur, fignifie en blafon d'armoiries, des vertus, iuftice. Et reprefente loyauté, louange, beauté, clarté, pureté, fcience, gentilleffe & renommee.
Des fept planettes, Venus.
Des douze fignes, le Taureau, & la Balance.
Des douze mois, Auril & Septembre.
Des iours de la fepmaine, le Vendredy.
Des pierres precieufes, le Saphir, le plus plaifant à la veuë apres l'Efmeraude. Et pource eft dit des Anciens pierre fainte, & aiguifant la veue. Et Arnaut de ville neufue, grand Philofophe & expert Medecin, dit que le Saphir eft vne pierre precieufe trefdure, belle & claire à l'oeil, reffemblant la couleur du ciel tres-ferain, laquelle rend l'homme fort, conftant, chafte, doux & humble, & par fa vertu fait obtenir à celuy qui la porte, la grace des hommes, & mefmes des Roys & Princes.
Des quatre elements, l'Air.
Des quatre faifons, l'Efté.
Des quatre complexions, le Sanguin.
Des aages, Puerilité.
Des fleurs, les aubifoins, & autres infinies.
Des nombres, quatre & neuf.
Des metaux, le cuiure, dont par art fe fait de bel azur.

SABLE.
En blafon d'armes, le fable fignifie des Vertus, prudence. Et pour enfeigne ou marque de conftance, patience, fimpleffe, douleur, trifteffe, & fermeté.
Des fept planettes, reprefente Saturne.
Des douze fignes, le bouc & le verfe-eau.
Des douze mois, Decembre & Ianuier.
Des iours de la fepmaine, le Samedi.
Des pierres precieufes, le Diament, qui eft dur & folide, l'Agathe, la Chelydoine, le geratien & le marbre noir.
Des quatre elemens, La Terre.
Des quatre faifons, l'Hiuer.
Des quatre complexions, le melancholique.
Des aages, le decrepité.
Des nombres, cinq & huit.
Des metaux, le plomb, le plus mal propre & lourd de tous les autres metaux, dequoy, outre le plombi bruflé, fe fait de beau noir, auffi bien que le blanc dit de plomb, & mafficot, qui eft iaune.

SYNOPLE.
En blafon d'armoiries, des vertus, le fynople fignifie force. Et eft marque d'honneur, de lieffe, d'amour, de courtoifie, de beauté, de bonté, & de ieuneffe.
Des fept planettes, Mercure.
Des douze fignes, les Gemeaux & la Vierge.
Des douze mois, May & Aouft.
Des iours de la fepmaine, le Mercredy.
Des pierres precieufes, l'Emeraude, excellente en beauté, & plus plaifante à la veuë, que nulle des autres. Et entre plufieurs Anciennes, on a grandement magnifié celle de Serapis, dans le labyrinthe des Egyptiens.
Le Iafpe, le mede, le peffe.
Des quatre faifons, le Printemps.
Des aages, Ieuneffe.
Toute efpece de verdure, comme prez, bois, champs, & autres telles chofes.
Des nombres, Six.
Des metaux, l'Argent vif, dõt par art fe fait de beau verd, comme de cinabre.

POVRPRE.
Pourpre, eftoit anciennement ordonné pour le veftement & decoratiõ des Monarques & Roys, cõme eftant preferé à toutes autres couleurs, pour l'excellence de fon prix, couleur & beauté, naturellement trouué en Orient, ce qui n'eft vers nous, mais eft cõpofé, cõme auons dit cy deuant. Signifie en blafon d'armes, des vertus, attrempance.
Reprefente abondance, largeffe, & dignité, grace de Dieu & du monde.
Des fept planettes, Iupiter.
Des douze fignes, le Sagittaire, & les Poiffons.
Des douze mois, Nouembre & Feburier.
Des iours de la fepmaine, le Ieudi.
Des pierres precieufes, l'Opale en varieté de fplendeur. Ce que Pline conferme, difant que le pourpre luifant de l'Amethifte eft en l'Opale, la couleur de l'Emeraude eft en luy, & femblablement toutes couleurs reluifantes d'vne mixtion indicible.
L'Amethifte, l'Hiacinthe, & plufieurs fines pierres.
Des aages, vieilleffe.
Des fleurs, Iris dite flambes, & autres infinies.
Des nombres, fept & douze.
Des metaux, l'Eftain (fans l'aide duquel les beaux efmaux ne fe formeroyent, ni auffi plufieurs belles pierres mixtes artificielles, defquelles on void beaucoup es palais & maifons des grands feigneurs.
Aucuns l'approprient en fignification aux nues, & à la fouldre de Iupiter.

AYANT veu & noté ce que deffus, nous deduirõs le refte en dix parties principalles, afin de mieux declarer les obferuations requifes au blafon des armoiries, & pour les rendre plus aifees à entendre, & par confequent à retenir.
En la premiere partie fera traitté de neuf chofes principalles, lefquelles font & doyuent tenir la tierce partie de l'efcu, & l'vne d'elles fe void plus petite en armoiries, lon les peut dire eftre mal-faites, hors mis la bende & la face, qui pourroit eftre mife pour cottice, ou bande en deuife, & l'autre pour gemelle, ou fa face en deuife, & comme on les doit blafonner.
La deuxiefme partie monftre de quelle façon font en armes befans, tourteaux, & en quoy ils differ(t, Cottice, bande en deuife, ou chargee, bandee, bordee, endentee, engrelee. Lozenges, fuzees, efchiquier, fretté, gemelle, billette, & plufieurs autres, auec leurs dependances, & quelle diference il y a entre croix patee, croix potencee, croix croifee, croix florencee, croix fichee, & autres, ainfi qu'il y eft contenu affez au long.
Au troifiefme, fera veue la differ(ce de plufieurs arbres, crequier, fruits, racines, herbes, fleurs, fem(ces, & autres telles chofes, comme elles fe trouuent & doyuent eftre mifes en l'ornement des armoiries.
En la quatriefme partie, fera parlé de plufieurs efpeces de beftes aquatiques, comme Dragons, Poiffons, Reptiles, tant terreftres que marins, & en quoy ils font differens.
Au cinquiefme, fera traité de beaucoup d'efpeces d'oifeaux, qui fe trouuent communément en armoiries, & leur façon & maniere, & de la difpofition d'iceux en blafon d'armes.
La fixiefme partie, fera voir cõme on doit blafonner Lyons, Leopars, & quelle differ(ce il y a entr'eux en armes, Elephans, Renchier, Ours, Sangliers, Loups, Chiens, Dogues, Leuriers, & autres beftes à quatre pieds, leurs teftes, pates, griffes, leurs differences, forme & maniere, propre pour les armoiries.
En la feptiefme partie fera monftré iufques à quel nombre on doit nombrer toutes chofes qui font en armes, & quand on les doit dire, fans nombre, ou femees.
La huitiefme enfeignera, en quelle partie de l'efcu on doit commencer à blafonner, tant les entieres que parties, tiercees, efcartellees, & contre efcartellees, & fur le tout, & c.
La neufiefme monftrera la maniere comme on pourra difcerner & conoiftre les faulces armes & mal-faites, d'auec les vrayes & bien faites.
La dixiefme & derniere fera voir plufieurs armoirires, tant anciennes que modernes, & differentes, pour fe mieux exercer à parler felon le blafon.

OR pour commencer noftre deduction en cefte premiere partie, faut entendre que pour regle generale, & obferuee de tout t(ps, il y a en armoiries neuf chofes qui s'y voy(t & y font faites ordinairem(t: chafcune defquelles fait & doit tenir la tierce partie de l'efcu. C'eft afcauoir, Chef, Pal, Bande, Face, ou feffe, Cheurõ, Gyron, par les Anciens nommé guyron, Orle, Croix, & Sautoir. & fi la bande ou la face fe trouu(t en quelques armoiries plus eftroites, ferõt prifes pour deuife, ou malfaites par l'ouurier. Quãt aux autres, fi l'ont moings que ce que dit eft, en faudra iuger de mefmes.
Or, fix defdites neuf, afcauoir, Bande, pal, face, gyron, cheurõ, & orle, font de plufieurs pieces, c'eft à dire, quoy qu'il y en ait plufieurs en vn efcu, ils fe blafonnent en vn mot, comme, Tel feigneur porte d'or à vne bande d'azur, de cinq ou fix pieces: & ainfi des autres cinq. Mais quand on trouue en armes, bandes de metal & couleur, cõmenceant d'vn, & finiffant d'autre, le metal comme le plus honorable, eft communement le premier: cõbien qu'en ce temps, en aucunes armes n'y a point de diftinction. Cependãt, il y faut pr(dre garde, & le fpecifier. Semblablement des palz, il s'en trouue fouuent de partis en face, que l'on dit palz contre palz. Ce font palz appofez l'vn à l'autre, comme auffi des bandes contre bandes, & ainfi confequemment.
Et quant aux trois autres, afcauoit, chef, croix, & faultoir, il n'y en doit auoir iamais plus d'vn en vn feul efcu, duquel il doit tenir le tiers.
Et quant à ce que nous nommons Croix, faut noter, que les Payens n'ont iamais vfé de ce mot (comme il fera facile de conoiftre & remarquer par la lecture des liures anciens) & ce, d'autant qu'ils ne fcauoyent que c'eftoit. Et vers les derniers temps, ils l'ont euë en haine & mefpris. Du blafon d'icelle, aucuns difoyent alors, d'or, d'azur, d'arg(t, gueulles, ou de ce que c'eftoit, à quatre points, ou billettes, es cãtõs de l'efcu, de ce qui deuoir eftre: les autres, fimplement d'or, ou d'argent, à quatre cantons, au controuué de la couleur que c'eftoit: & felon la forme ancienne de blafonner, cela eftoit bi( dit. Mais depuis que ce mot de croix fut mis en vfage, qui a efté feulement lors que les Chrefti(s l'ont prifee, eftimee, & exaltee, on les blafonna en la maniere qui fera veuë cy apres. Et fi quelquesfois en armoiries s'en trouuent plufieurs & diuerfes (qui ne font ni de doiuent eftre du rang de cefte, fpecifiee cy deffus, qui s'entend d'vne feule en vn efcu) on les doit blafonner felon leur nombre, comme il fe pourra voir.

IL m'a femblé qu'il feroit bon de traiter particulierement & feparément des chofes dont nous auons parlé ci deuant en general, dautant qu'elles font particulieres, & ont quelque mefure, & que ce qui eft en cefte feconde partie en eft grandement different: ioint auffi que, quelques parties y contenues, ne font fubietes à ce qu'a efté dit en la premiere, encores qu'elles foyent anci(nes & modernes, & des dependances des armoiries, où elles font trouuees encores auiourd'huy, ainfi qu'elles eftoyent fort vfitees anciennement. Ainfi doncques pour commencer, Ie vous diray, que

Les befans font tous ronds, & toufiours entiers, & de metal.
Torteaux pareillement ronds & entiers, mais de couleurs, en quoy eft feulement la difference des deux, car tous befans font de metal, & tous torteaux de couleurs.
Cotice, eft le tiers moindre que la bande, & fa largeur doit eftre des deux tiers de la troifiefme partie de l'efcu: & en cela eft la difference, entre la bande cy deuant defcrite.
La bande en deuife, ne doit tenir en largeur qu'vne troifiefme partie de la bande (qui eft vne moins que la cotice) & eft nommee par aucuns bafton, quand elle ne touche aux deux extremitez de l'efcu, comme il fe void es armoiries de l'ancienne maifon de Bourbon. Et cela a efté & doit eftre à toufiours referué pour les Princes. Aucuns font compofez, dits par continuation, componez, de metal & couleur, le tout de trauers cõme la bande. En leur largeur eft la difference de leurs noms.
Ce qui fe met au armes des donnez, que quelques vns nõment bande ou cotice, differe d'icelles en deux fortes. La premiere, dautant que c'eft vn fimple filet ou trait, qui fe fait le plus fouuent, & doit eftre de fable: n'ayant aucune mefure certaine. La feconde, pource qu'on la met au cõtraire de la bande, combien qu'il trauerfe & tienne tout l'efcu.
Il fe void auffi des bandes chargees d'autres bandes, autres feulement bordees: defquelles la differ(ce eft, que celles qu'on dit bordees, la bordure entoure tout le tour, ce que ne fait l'autre, car c'en eft vne mife fur l'autre, toutesfois moins large que celle de deffous, de laquelle on void vn filet des deux coftez feulem(t, & nõ par les deux bouts, ce qui fe void en celle qui eft bordee. Et ainfi eft-il d'aucunes faces & cheurons, & non de toutes les bandes, croix, & faultoirs, pour n'auoir efté obferué par les modernes: par ce que la plus grand partie dit en blafonnant, Tel feigneur porte de gueulles, azur, ou ce qui doit eftre, à vne bande, croix, faultoir, & chofe femblable, d'or ou d'argent, chargee d'vne autre bande, croix, faultoir, & c. Et ainfi a efté fait vne mefme chofe, de ce qui anciennement & de foy eft different, comme raifon, la veuë, & le iugement le peut entendre, voir & iuger.
Endenté & engreflé different: en ce que l'endenté eft plus grande (& s'en voit d'auãtage) que l'engreflé qui doit eftre plus menue.
Des endentez en y a quelques fois tout autour de l'efcu, & lors on dit bordé & endenté. aucunes font differentes l'vne de l'autre: quelques fois il n'y a que les quatre cantons d'vne croix qui foyent endentees: aucunesfois des deux coftez de l'efcu feulem(t, ainfi qu'es anciennes armes de la maifon d'Orual, bandes, faultoirs, cheurons & autres, en beaucoup de manieres endentees.
Lozanges, font aigues es quatre angles, & font plus hautes que larges, afcauoir de fept en hauteur & de cinq en largeur, & font volontiers entieres fi l'efcu n'en eft tout, ou quelque bande ou face.
Macles, font de mefmes les lozanges, excepté qu'elles font percees par le milieu en leur forme de lozanges ou carreure, comme encores il fe peut voir es armoiries de la noble maifon de Rohan.
Ruftres, font de mefmes les lozanges ou macles, excepté qu'elles font percees par le milieur en rond.
Fufees, font pointues par haut & par bas, & groffes par le milieu.
Billette, eft vn peu plus haute que large, & non carree.
Efchiquier, eft fait comme vn damier ou tablier à iouer aux efchets, ou aux dames, aucuns defquels font auec certain nombre.
Frette eft cotice & recotice l'vn contre ou à l'oppofite de l'autre, toutesfois vn peu plus eftroitte.
Treillis carré eft à angles droits, & quelques fois auec nõbre.
Autre treillis qu'on iugeroit frette de laquelle il doit eftre differ(t, ou pour eftre plus large ou plus eftroit, & non de la largeur de la frette, & quelque fois il eft cloué par deffus foy, qui eft comme pour feruir de difference.
Gemelle qu'aucuns font pour le iourd'huy iointe par les deux bouts, ce que les Anci(s n'ont obferué, eft vne tierce part plus petite que la face, ou feffe, cy deuant fpecifiee, & eft mife par le milieu de l'efcu comme icelle.
La face en deuife doit eftre de pareille largeur, cõme la bande en deuife cy deffus mentionnee, & paffe au trauers de l'efcu comme la face ou gemelle.
De ces deux, afcauoir la bande en deuife & la face en deuife, ne s'en doit voir qu'vne en vn efcu, ce qui n'eft ainfi des autres: car on trouue fouuent plufieurs bandes, cotices, faces, & gemelles.
Viures fe voyent en armoiries le plus fouu(t en la face, quelques fois en chef ou en bãde (ainfi qu'aux armes de la Baulme, ancienne maifon de la Conté de Bourgongne) En pal ou tout l'efcu eft de viures, de metal & couleur, & font faits en mode ou forme de plufieurs cheurons enfemble.
Emmanches ou Emanche, font deux points en vne entiere & deux demies oppofites qui fait l'efcu entier, qu'on ne fpecifie pas finon qu'il s'en trouuaft dauantage, & doyuent paffer en montant de la pointe en haut la moitié de l'efcu.
Pointe, touche au haut de l'efcu, & eft dedans deux autres demies pointes au contraire qui font l'efcu entier. Et iamais n'y en doit auoir qu'vne en vn efcu fimple.
Gonfarons ou gonfanons, font de deux, trois, ou plufieurs pendans. Les plus vfitez font à trois pendãs, aucuns bordez & frangez de metal ou couleur à eux differans, autres font feulement bordez, ce qu'il conuient fpecifier en blafonnant, ce qui ne s'obferue pas en ceux qui font fimples, n'ayans franges ne bordures.
Filets, font vne quarte partie de l'orle, & fe mett(t en armes cõme iceluy: & s'en trouue en vn efcu, quelques fois plufieurs.
Il y a plufieurs manieres d'Efcarboucles, car elles font ou percees, ou pommettees, ou fleuronnees, ou accollees, aucunes fimplement fleuronnees, ou feulement pommettees, ou en lieu de ce, finiffent en forme de coeurs, aucunes font percees, autres nom, & parce il y faut prendre garde.
Diapré fe treuue auec animaux, oifeaux, ou auec fleurs, & eft fort ancien en armoiries.
Papelonné, quelques fois feul, ou auec grillets & chofes femblables.
Mouchetté, feul ou mis quelques fois auec papelonné, ainfi qu'es armoiries de Rouuollez, comme auffi fur bandes, ou autrement.
Fleurs de Lys font le plus fouuent entieres, aucunes fans le bout de deffous, qui lors font dittes fans queue, & par quelques vns, au pied nourri ou couppe, d'icelles on en voit auffi quelques moitiez en quelques anciennes armes.
Trompettes, aucunesfois feulles ou garnies de ce qu'il leur conuient.
Cors, cornets, que quelques Anciens ont nommé huchet, dont aucuns font pendus, attachez & liez dautre metal ou couleur, que n'eft le cornet (ainfi qu'il fe voit es armoiries du Prince d'Orenge) autres font fans pendãs, & quelques fois mornez ou garniz d'autre chofe.
Cloches, feulles ou auec leur baftãt, qui en blafon ce difent bataillees, de ce que doit eftre.
Grillets, fe trouuent quelques fois couchez, en nombre ou fermez, mais fouuent fix en vn efcu.
Le foleil eft communement à douze rayons (aucuns ne luy en donnent que huit) & s'il s'en trouue moins ou dauantage, il les faut fpecifier, comme es armoiries atribuees à Iofué cõducteur du peuple d'Ifrael par quelques anciens, qui difent eftre d'arg(t, à vne foudre de gueulle, ayllee d'azur, chargee d'vn Soleil d'or ayãt vingt quatre rayons, & en cela peut auoir difference entre les armoiries des feigneurs.
La lune eft fort rare en armoiries.
Les croiffants font aucunesfois adoffez ou renuerfez, ou mis en bande (comme es armoiries atribuees au grand Turc) autres mis en face couchez, lou autrement. Ce qu'il faut fpecifier en blafonnant, & dire comme ils font mis ou pofez en l'efcu, hors mis l'ordinaire, où lon dit feulement, tel feigneur porte d'or, à trois croiffants de gueulles, ou felon qu'ils feront.
Comettes de deux fortes. La premiere a plufieurs pointes, (ainfi que celle qui fe void es armoiries de monfieur Le grãd, en la duché de Bourgõgne) qui par quelques vns eft nommee Eftoille à feize rais.
La feconde Comette, femblable à l'Eftoille, excepté que l'vne des pointes eft plus grande, & eft formee en rayon de Soleil, & eft volontiers celle du cofté droit en haut, ou celle de deffus.
Eftoilles ont cinq pointes, & tout ce qui fe dit en armoiries eftoilles, n'en doit auoir dauantage, & toufiours vne pointe en haut, & eft fort vfitee, & s'en void merueilleufement en armes.
Mollete d'efperon, differe d'auec l'Eftoille en ce qu'elle a fix pointes, & toufiours percee au milieu, & a efté bien eftimee des anciens, dautãt que les armoiries de plufieurs Cheualiers en eftoyent ornees eu plufieurs manieres.
Coquilles, les vnes dites de fainct Michel, autres, de fainct Iaques, & de plufieurs autres fortes, eftans toutesfois differentes en leur forme, & en y a peu qu'il faille fpecifier. On en void fouuent fur bandes, faces, cheurons, bordures, & font fort anciennes, en armoiries.
Maillets comme de menufiers, tonneliers, maçons, & autres, tous differens en grandeurs & formes, & s'en trouue peu qu'il faille fpecifier, dautant qu'ils ne font gueres vfitez en ce temps es armes.
Marteaux, fe trouuent de diuerfes façons en d'aucuns lieux: fe voyent peu.
Villes, fe voyent fimples, ou clofes, ou ayans quantité de tours, aucunes ont les portes ouuertes, les murailles crenellees & de plufieurs manieres: où faut prendre garde s'il y a chofe qui differe.
Chafteaux, fimples, fermez, ou fans porte, ayans plufieurs tours, ou ayans porte non clofe, & auec certain nõbre de tours.
Forts, feuls, ou garnis.
Les tours ont quelques vnes la porte gryllee, autres non.
Tournelles, les vnes font le plus fouu(t rondes & crenellees par le haut, les autres quarrees, ayant quelques feneftres & fans porte, ou bien à fix ou plufieurs pans, aucunes eftans couuertes de gyrouettes. A toutes lefquelles chofes faut pr(dre garde, car quelques fois ce qui ne femble rien ou pas grand cas, met difference entre les armoiries d'vn feigneur, & celles d'vn autre.
Maifon, couuerte d'autre chofe qu'elle n'eft, ou efforee differemment.
Cloz, feuls, autres garnis de quelque tour, maifon, ou ruine, & chofe femblable.
Bordures, les vnes font fimples (qui doiuent eftre & tenir de largeur la fixiefme partie de l'efcu, lors qu'il eft fimple) les autres compofees de deux ou plufieurs pieces, comme en efchiquier, Endentees en deux fortes, aucunes chargees de befans, coquilles, fleurs, & autres telles chofes.

IE trouue auffi en armes, de plufieurs fortes de croix, qui ne font toutes femblables, ny de l'efpece, ou façon de celle dõt nous auons parlé cy deuant en la premiere partie. Comme
Croix pattee.
Croix potencee.
Croix croyfee.
Croix florencee.
Croix couppee, autrement dite racourfie.
Croix fichee en plufieurs manieres, aucunes dites croifettes recroifettes au pied fiché. Et telles font es armoiries de l'ancienne maifon des Ducs de Bar.
Croix ancree, qui autrement eft nommee nylé, ou d'aucuns nelle, lors qu'elle eft cõme vn filet, & plus eftroite que la croix ancree, qui doit eftre plus large, & en Cela eft leur difference.
Croix fleuronnee.
Croix bourdonnee, ou põmettee & autres, aucunes defquelles font chargees d'autres differentes ou femblables à l'efcu (cõme il fe voit es armoiries du Conte de Tholoze Pair de France) & de toutes les fufdites croix ne s'en trouue mefure autre, que i'aye peu voir, finon que d'vne neufiefme partie de l'efcu pour quelques vnes & nom de toutes, comme la premiere & cinquiefme n'eft felon icelle mefure, ny les autres, eftans plufieurs en vn efcu.
Des clefs, de plufieurs façons, & en beaucoup de manieres, d'aucunes defquelles les pennettons font mis l'vn vers l'autre, comme il fe void es armoiries de l'illuftre maifon de Ferrare. Et à quoy faut prendre garde.
Il y a de beaucoup de forte de cloux en armoiries, le plus fouuent à tefte carree & en pointe.
Fers de moulin, anciens en armes.
Fermaux.
Morrailles.
Boucles, ou anneaux.
Sallades anciennement vfitez en armoiries.
Cabaffets antiques, que nous nommons morions, aucuns creftez de teftes de chiens ou autres animaux, quelques fois differens de metaux ou couleurs, comme les langues & yeux.
Ancres eftans de metal leur ftangue fe trouue quelques fois eftre de couleur, aux autres le trabe different, & quelques vns mis en face, la ftangue chargee d'Aigle ou autre oyfeau. Et s'ils font garnis de leur gomene ou gumene, qui le plus fouuent eft de metal ou couleur differante de l'ancre, & quelques fois eft paffee dans l'aneau d'iceluy, ou tortillee au tour.
Creneaux ou carneaux, par quelques vns dits breteffes, defquels faut quelquesfois fpecifier la quantité & forme (fi elle eft autre que carree, car il s'en voit en armes qui fe terminent en pointe à la façon de bornes) & le lieu ou font pofez, foit en face, en chef, en bande, ou autrement.
Lambeaux de plufieurs fortes, comme fimples, à deux, trois, quatre, & cinq pendans, ou l'ambrequins, ainfi qui fe peut voir es armoiries du feigneur de BeauIeu, aucuns chargez de fleurs de Lys, autres de tours ou chafteaux, (comme es armoiries du conte d'Artois) ou de befans, fleurs, gouttes, larmes, & autres telles chofes, d'aucunes defquelles, cy deffus narrees, pourrez voir ci apres les figures.

EN cefte troifiefme partie eft traité de quelques efpeces de verdure, & de ce qui en depend, touchãt les armoiries. Ce qui n'eftoit gueres vfité par aucuns des anciens, & s'en trouue peu en leurs armoiries. Neantmoins eft auiourd'huy en grand vfage, comme font beaucoup d'autres chofes contenues en ce liure, ainfi que fera touché cy apres.
Il fe trouue en armes des arbres de plufieurs fortes, Comme.

Palmiers

Noiers.

Oliuiers.

Pommiers.

Sicomores.

Poiriers.

Tamaris.

Coigniers.

Lauriers.

Meuriers.

Pins.

Cormiers.

Chefnes.

Pefchers.

Grenadiers.

Frefnes.

Orangiers.

Efpines.

Cyprés.

Lierre.

Bois, taillis & autres. Le plus fouuent vn en l'efcu, quelques fois trois, aucuns liez, accollez, & entourez de lierre, bryone, ou autre pareille verdure.
Nous n'auons voulu oublier à parler du crequier, encores qu'il ne foit arbre, mais pource qu'il fe trouue vfité en armes, mefmes de quelques anci(s, c'eft raifon qu'il foit mis entre ce, deffus, & ce qui fuit, comme tenant de l'vn & de l'autre.
Auffi void-on des fueilles defdits arbres, feules, femees, ou en nombre, fur croix, face, bande, ou autrement, ainfi qu'es armes de Lindaw ville Imperiale, qui font d'argent, à cinq feuilles de til de fynople, mife en forme de crequier, ce qui n'eft pas, mais eft, & doit eftre different.
Des Fruits.
Grenades. Noix.
Oranges. Coings.
Mufcates. Pommes.
Poires. Cormes.
Meures. Glans & autres.
Et font le plus fouuent trois en vn efcu. Il s'en void auffi cinq ou fept enfemble, quelques fois fur face, bande, bordure, ou autrement.
Des racines. Comme de mandragoires, ou man-degloire.
Bryone, ou Couleuree.
Leueffe.
Souchet.
Raiffort.
Raues, aucunes auec leurs feuilles.
Nauets & autres.

Des herbes de plufieurs fortes, & principalement Triollets, ou tierces feuilles, aucuns ayant queuë (qui vulgairem(t eft dit trefles, & par aucuns ainfi nommez en blafon d'armes) autres non. Il s'en void auffi de percees par le milieu, & s'en trouue de toutes ces fortes en armoiries.
Quinte feuille, le plus fouuent percee.
Maulues.
Fougere.
Rue.
Afperges.
Fenoil.
Ellebore blanc.
Chous cabus, ou blancs & autres.
Des fleurs.
Le lis.
Iris, ou flambes.
Violettes.
Rofes de plufieurs efpeces.
Oeillets, ou girofles.
Soulcy.
Nenuphar des deux fortes.
Pauot.
Safran.
Aubifoin.
Bourroches.
Buglofes.
Lin.
Chardons.
Baffinets.
Alleluya, ou pain de coqu.
Muguet, & autres infinies fleurs, qui fe voyent en armoiries & de plufieurs manieres, appliquees en icelles, & plus fouuent trois enfemble que cinq, & quelques fois l'efcu en eft bordé tout à l'entour, & ainfi des autres.
Des femences, le bled, ou froment, ou quelques fois des gerbes d'iceux, liees d'autre metal ou couleur qu'elles ne font.
Orge. Mil, ou Millet.
Auoine. Courges.
Feues. Oignons.
Les plus vfitees font fans nombre ou femees, & s'en peut trouuer & voir de plufieurs fortes & efpeces, defquelles, & de tout ce qu'auons dit (en blafon) ne faut oublier fpecifier que c'eft, & de quoy, & le lieu où elles font mifes, & en quelles maniere. Pourautãt qu'en cela confifte vn certain moyen de conoiftre & diftinguer les armoiries.

RETENANS l'ordre que nous auons commencé, nous parlerons en cefte quatriefme partie de plufieurs animaux aquatiques, & poiffons, dont les Anciens & modernes ont fouuent vfé, & qui font frequents en armes.
Il fe void de plufieurs fortes de Dragons, aucuns ayans aifles (ou vollans) autres rampans, ou paffans, tant marins que terreftres. La differ(nce d'iceux eft, que le marin n'a nuls pieds (ce que a le terreftre, aucunesfois quatre, & le plus fouu(t deux) mais a des nageoires en lieu, & le bout de fa queuë comme celle d'vn poiffon, ce que n'a le terreftre, qui doit auoir le bout de fa queuë en pointe, comme le ferpent, ou couleuure, duquel on ne dit en blafonnant, que dragon fimplement, & en vn mot, ce qui ne s'obferue en l'autre: car on le fpecifie, difant: tel feigneur porte de tel metal, ou couleur, à vn Dragõ marin, de ce qui doit eftre: dautant qu'il ne s'en trouue gueres en armes. Et parce on le fpecifie, au regard du cõmun & ordinaire. Il fe trouue quelque ancien (aucuns l'attribuent à ce Hercules de Grece, duquel a efté parlé cy deuant) portãt vne hydre ayant fept teftes. Encores s'en void-il en quelques armoiries anciennes, fur vn chef de gueulles, eftre chargé de trois ferpens, ou hydres d'or, ayans chacun fept teftes & deux pieds. Autres ont efcrit qu'elle auoit c(t teftes & plufieurs pieds. Aucus portent en leur efcu vn dragon ou ferpent ayant trois teftes en vn feul corps, qui a qutre pieds. Autres vne de leur tefte, ou plufieurs, ou vn demy ferp(t, ou dragõ, ou bien de leurs aifles, & quelque partie d'iceux. Et en cela apparoiffent principalement quelques differences.
Viperes, feps ayans oreilles, autres vn bouquet ou quelque autre chofe fur le front, entre les deux yeux. Serpens ou Couleuures, par aucuns nommees guyure, ou biffe, quelques fois enlacees de trois ou plufieurs tours, ou de pointe, qui eft dit, mife en forme de pal, ou ayant quelque chofe iffant de leur gueule (comme es anciennes armes de Milan, defquelles, entre autres, Merula a efcrit, qu'en l'an mil nonante neuf, Otto Viconte de Milan, eftant à la conquefte de Hierufalem, ofta à vn fier Sarafin fes armes, qui eftoyent telles, & depuis a efté pour memoire en leur maifon (combien que quelque autre en efcriue autrement) autres fe trainent & font comme vne voulte, ainfi que quand ils fe gliffent & fifflent.
Crocodilles de plufieurs fortes le plus fouuent paffans.
Pephages. Bytures.
Cepes. Cephes.
Neates. Lezards.
Sallemãdres prefques femblable aux lezards, en ce qu'elles ont quatre pieds & la queuë: mais differ(t en ce qu'elle font picotees ou mouftachees de quelque chofe differente & conuenante au blafon.
Scorpions.
Cancres.
Raines & Grenouilles.
Limaffes & autres telles fortes & efpeces.
Des poiffons.
Balaynes.
Marfouyns.
Daulphins.
Saulmons.
Seiches.
Barbeaux en plufieurs manieres.
Truytes picotees.
Turboz.
Chaboz.
Remore, petit poiffon entre plufieurs.
& autres infinis poiffons auiourd'huy vfitez en armoiries d'aucuns, defquels faut fpecifier quels ils font, & où font pofez en armes: car il y a grande differance entre eux, tant en forme qu'en affiette, & couleurs, ainfi qu'il fe peut voir iournellement es armoiries d'aucuns, defquelles verrez les figures cy apres.

OR en pourfuyuant noftre oeuure, il conuient traiter en cefte cinquiefme partie, des oyfeaux, & infectes: fpecialement des principaux que nous auons peu recueillir, & comme outre leur ordonnance, les Anciens ont pratiqué. Et dautant que noftre principale intention eft de les imiter au plus pres, en blafon d'armes, nous ferõs comme contraints, d'eftre vn peu prolixes, afin de les donner le mieux à entendre qu'il nous fera poffible.
En premier lieu, ils ont grandement magnifié le griffon, fort ancien en armes, qui eft demy oifeau, & demy forme de lyon, ayant la tefte & les deux iambes de deuant, à pieds & ongles, comme vn oifeau, ou aigle, auec grãdes aifles, & le derriere en forme d'vn lyon, auec iambes, pattes, griffes, ou ongles & vne queuë. En Pomeranie il eft fort vfité, & en voit-on beaucoup en armoiries.
L'aigle, depuis a emporté le prix, & grandeur en armoiries, de laquelle anciennement, les grands feullement, en ornoyent leurs efcus. Nul ne l'ofoit porter en fes armes, s'il ne luy eftoit donné par les fouuerains, dautant qu'ils l'eftimoyent cher, & à eux propre. Il fe trouue quelquesfois, ayant deux teftes fur vn feul corps. Aucunesfois ayans diadefmes, ou couronnes (comme es armes du facré Empire) n'ayans toufiours que deux aifles & deux iambes, auec leurs griffes & ongles. En ce temps, on en voit fouuent an armes, tant en chef qu'autrement.
Aiglettes, ainfi dites, lors qu'il s'en trouue plufieurs enfemble en vn efcu, & d'aucuns font nõmez allelyons (& pour mieux dire allerions) qui a efté mal entendu & praticqué, car les allerions n'ont iamais en armes, bec, iambes, ne pieds, ce que les aiglettes ont, & en cela eft leur difference, comme mieux fe peut voir es anciennes & illuftres armes de Lorraine.
Le Pellican fe trouue peu en armes.
Le Cigne. La Cygongne.
Le Vaultour.Le Heron.
Le Cormoran.
Coqs.
Efpreuier (qui auec vne couronne, felõ ceux qui en ont efcrit) eftoit les armoiries d'Attila roy des Huns.
Tourtres.
Pigeons.
Papegaulx (vulgairement nommez Perroquets) & quelques fois leurs teftes feulles.
Faulcon.
Corbeaux.
Ducs.
Ramiers.
Allouettes (que quelqu'vn dit auoir efté les anci(nes armes de Troyes) Combien qu'il foit croyable & vray femblable, pour plufieurs auteurs qui en ont efcrit, que ce foit vn lyon (tel que le porte auiourd'huy en la premiere partie des armoiries, l'ancienne maifon de Tournon) & autres infinis oifeaux, qui font fort vfitez en armoiries, & s'en trouuent d'aucuns, trois, cinq, fept, & iufqu'à feize enfemble, en vn efcu. D'aucuns d'iceux fe trouu(t fouuent les teftes (ce qui eft dit d'aucuns en blafonnãt) arrachees, d'autres des aifles, ou vne feulle, ou deux, ou trois, enfemble aucunesfois adoffees, ou bien oppofites l'vne à l'autre, ou mifes en la forme ordinaire, quãd il n'y en a que trois. Et en ay veu neuf en vn efcu. Il s'en trouue peu de diuerfes, c'eft à dire, qu'il faille nommer de quel oifeau ils font, mais feulement fe dit, vne, deux, ou trois aifles. Pareillement en armoiries fe voyent aucuns pieds, auec les ongles de griffon, d'aigle ou dautres oifeaux, aucunefois fe trouue la iãbe, ou plufieurs auec le refte, quelques fois trois enfemble, es autres vn demy oifeau fimplement, en quoy fe font les differences de plufieurs armoiries.
De tout ce que deffus faut fpecifier l'oifeau, le lieu où il eft mis en l'efcu, foit en chef, face, pointe, ou autrement, s'il ne tient la place entiere d'iceluy, qui fe doit affez entendre. Et quãt aux becs, langues, iambes, pieds, ongles, & couronnes (fi aucuns en ont) eftans d'autre metal, ou coulleurs que le corps, fe difent, en blafonnant, membrez & courõnez d'or, d'argent, ou de la couleur qu'ils doyuent eftre.
Excepté des alerions, & de la merlette, qui en armes, n'ont nuls becs, iambes, pieds, ni ongles, & different entr'eux deux, en ce que les alerions, font en armes les aifles eftendues, ce que la merlette n'a iamais.
Quelques fois fe voit en armes des fauterelles, papillons, mouches, & autres de telle forte, lefquels, encores qu'ils ne foyent au rang, & tenus pour oifeaux, nous n'auons l'aiffé d'en faire mention, dautant qu'ils ont aifles, & vollent, le tout comme plus aifément fe peut voir par les figures fuyuantes.

MAINTENANT faut monftrer, en enfuyuant l'ordre commencé, comme les Anciens ont diftingué leurs armoiries, auec peu de chofes en apparence, mais grande en qualité d'armes.
Entre tous les animaux à quatre pieds, ils ont grandement exalté en armes, le Lyon, duquel ou voit beaucoup d'armoiries des principaux & vaillants, eftre ornees. Munfter & plufieurs, parlans des armoiries, tant de Flandres qu'autres, difent, que les Princes allans en Sirie, changer(t leurs anci(nes armes, & prindr(t Lyons de diuerfes fortes en metal & couleurs.
Le Leopard, a efté comme compaignon du Lyon, toutesfois il ne s'en trouue tant, ni de fi diuerfes manieres en metal & couleurs, comme le Lyon.
Leur difference eft, que le Lyon eft toujours rampant ou rauiffant, & ne monftre qu'vn oeil & vne oreille: Et le Leopard eft toufiours paffant ou allant, & monftre deux yeux, & deux oreilles. Et quãd on voit en vn efcu vn Lyon paffant (qui eft à dire, qu'il ne mõftre qu'vn oeil & vne oreille) faut dire en blafonnant, Lyon Leopard. Au contraire, quãd on trouue le Leopard autrement, qu'allant ou paffant, afcauoir, rampant ou rauiffant (duquel on voit les deux yeux & les deux oreilles, cõme a efté dit) faut dire, Leopard Lyonne, afin de differer d'auec la maniere ordinaire de parler, dont lon vfe en blafon. Car les premiers on ne les fpecifie point, mais on dit en vn mot. Tel feigneur porte d'azur, à vn Lyõ d'arg(t, ou de pourpre, à vn Leopard d'or.
Il y a auffi des Lyonnets, qui font ainfi nõmez, à caufe qu'ils font fort petits dans les armoiries, & ne doiuent tenir qu'vn peu plus que le tiers d'icelles, & neantmoins mis au milieu. Autres Lyons, qu'on dit fans vilenie, eftans de pareille grandeur, comme les premiers, hors mis qu'ils n'ont, & ne doyuent monftrer ce qu'il les fait connoiftre mafles, ce que tous autres doiuent auoir eftans entiers. Et en cela eft la difference des armoiries de quelques feigneurs, & peu y a qui y prennent garde.
Quelques vns font dits, naiffans, eftans en chef, en face, ou autrem(t, ne monftrant que leur moitié, afcauoir le deuant, auec les deux pattes, & bi( peu du corps, quelques vns font voir vn bout de la queuë, ce qui n'eft obferué de tous.
Et quant à ceux dont ont dit iffans, ou brochans (ce qui n'eft tout vn, pour la difference qu'il y a, & a euë autresfois, mais la couftume a tant gaigné, que quelques vns en font vne mefme chofe) anciennement, au vray dire, c'eftoit vne partie du deuant, & le haut de la queuë, qui fe monftroit dans le chef, ou dãs la moitié du haut de l'efcu, & le refte ne fe veoit point, & eftoit comme caché par le bas de l'armoirie, & cela fe difoit, iffant, ce qui n'eft du brochant, car il s'entend, qui doit tenir tout l'efcu, & eftre veu entier, & fouftenu du chef, ou ce qui eft, & fait quelque difference en iceluy. Comme ainfi il fe dit des efcarboucles, & de ce qui fait le pareil.
Encores y a-il Lyons ayans double queuë, ou nouee & fourchue, & aucunes paffees en faulteur, autres ayant aifles, aucuns affis, quelques vns ayants le derriere en forme de dragõ (ancien figne de nobleffe de François, defquels les armoiries ce voy(t en plufieurs lieux, comme de plufieurs anciennes nations, car en ceux qui eftoy(t genereux eftoit atribué eftre iffus de quelque dieu, comme d'Alexandre le grand & autres, longs à reciter) ou de poiffon, autres tenans haches d'armes, comme de ceft Hercules, duquel auons parlé cy deuant, hallebarde, que lon a atribué à Hector de Troye. Efpee, ainfi qu'és armes de Pompee le grand, qui eftoi(t de gueulles, à vn Lyon d'or, tenant vne efpee nue, d'argent, la pointe en haut, la poignee de pourpre, befche & autres telles chofes, lefquelles faut fpecifier, nommément à caufe qu'ils font volontiers d'autre metal ou couleur, que n'eft le Lyon, le Leopard, ou la befte qui la tient.
En aucunes armoiries, on trouue les teftes d'iceux, quelques fois feulles, que par aucuns eft dit en blafonnant arrachees ou coupees, & font en la façon que cy deffus a efté dit. Afcauoir, que la tefte du Lyon ne montre qu'vn oeil & vne oreille, mais celle du Leopard, eft toute de front, mõftrant les deux yeux & les deux oreilles, aucunes d'icelles font couronnees, ou ont vn chapeau de conte, ou autres telles chofes, pofees fur icelles, lefquelles ne faut oublier a fpecifier pour cela qui a efté dit cy deffus. D'icelles fe voyent le plus fouuent trois en vn efcu.
Quant aux autres beftes, cõme l'Elephant, il s'en trouue peu, ny de fes parties. Toutesfois, entre autres il fe trouue, qu'vn ancien cheualier portoit en fes armes, de pourpre, le probofcide d'iceluy d'or.
Le Vnicorne, ou Lycorne affez vfité anciennement.
Le Renchier, qui eft beaucoup plus grand que le cerf, toutefois le reffemble, & à les cornes merueilleufement grandes, larges & plates, à la façon de celles d'vn Dain. Duquel vne figure fe voit au portail de la faincte chapelle de Bourges, au collier duquel eft efcrit, auoir vefcu trois cens ans, & eft fort ancien en armoiries.
Le Beufle.
Le Taureau, combien qu'entre eux deux y a peu de difference en armoiries, ne faut laiffer d'y prendre garde, comme auffi du Boeuf.
Le Cheual, il s'en voit beaucoup, tãt rampant que paffant, & auffi de fes parties.
Le Cerf, anciennem(t, & y en auoit beaucop en armes, qui ne differoy(t le plus fouuent, qu'en la quantité des Rames.
La Vache, à quelques fois, & le plus fouuent, collier & cloche attachee, ou p(due au col, ainfi qu'il fe voit es anci(nes & fameufes armoiries de Foix qu'en blafon on dit armee, ou acornee acollee, & clarinee, quand il y a collier & cloche, de ce que doit eftre.
Lours, en quelques contrees fort vfité, & de fes parties feules.
Le Sanglier, anciennement fort vfité.
Le Dain. Le Dogue.
Le Loup, ancien. Le Lymier.
Le Leurier, fort vfité, & s'en voit beaucoup en armoiries.
Le Chein courant. Moutons.
Le Lieure. La Foyne.
Le Connil. La Bellette.
L'efcurieu. La Muftelle.
La Cinge, ne s'en trouue gueres és armes des anciens.
Le Chat fauuage, qui eftoit les armoiries des anci(s Roys de Bourgongne, & eftoit reprefenté en la façon qu'on dit heriffonné, ou quand il fe veut ietter contre quelque chofe.
Et de beaucoup d'autres fortes de beftes à quatres pieds fe treuuent, defquelles lon doit fpecifier & remarquer fi elles font paffans ou rampãs, adoffez, affifes, ou fe regardans l'vne l'autre, & fi elles ont colliers ou non, fpecialement les chiens & leuriers, qui le plus fouu(t en font ornez, garnis de boucles, cloux, & autres telles chofes, d'autre metal ou couleur, le plus fouu(t, que la befte ny le collier.
On voit auffi en armoiries aucunes de leurs teftes feulles, ou trois enfemble, qui quelques fois mõftrent les deux yeux & les deux oreilles: comme celles des Bufles & Toreaux, qui doyu(t auoir le meufle gros & court, & entre les cornes vn gros flocquet de poil, vaches, ayãs le mufeau plus long & deflié, fans aucune forme de poil entre les deux cornes, enquoy elles differ(t de celle du Toreau. Aucunes de ces teftes ont colliers, aufquels quelques fois font attachee cloches ou cãpanes, ainfi que fi deuant a efté dit.
Celle des Cerfs, monftre auffi les deux yeux & les deux oreilles (des autres s'en voit peu ainfi) les cornes des Cerfs qu'on dit Rames, qui quelques fois font d'autre metal ou couleur, que n'eft la tefte, ce qu'il faut obferuer en blafonnant, & dire, ou nommer la quantité des cors, fi befoin eft, c'eft à dire, des petites cornes, qui iffent de la groffe tige, ce qu'aucuns des Anciens, comme encores en d'autres endroits on dit, fommé de vnze, treze, ou plufieurs cors, ou fans nombre, au naturel, de ce que doit eftre. Et parce, faut fcauoir s'il y en a quãtité ou nõ, car aucuns feigneurs font cas de cela, dautant que quelques fois en ce nombre confifte feulement la difference de leurs armoiries. Il fe voit des cornes d'iceluy feulles, ou trois enfemble, aucunes mifes en bande, autres en face, ou autrement: aucunes ayant ou tenant à quelque morceau de teft, ou forme de la tefte du Cerf, qu'on dit maffacre, par les experts en venerie.
Les teftes des Sangliers, Ours, Chiens, Leuriers & autres, ne monftr(t qu'vn oeil & vne oreille, & s'en trouue peu autrem(t: quelques vns ont colliers, comme cy deffus a efté dit.
Auffi fe voit en armoiries, des peaux d'aucuns animaux, cõme de l'Hyenne, du Lyon & autres, aufquelles quelques fois (a refté les dents & les ongles) qui font differens d'icelles: on voit auffi de celles des Moutons, qu'on dit cõmunement toifon, tãt pour la peau & la laine enfemble, cõme pour la laine feule, & font quelques fois differentes, tant en metal qu'en coulleur, & affiette, ainfi qu'es armoiries atribuees au preux Gedeõ, Iuge & conducteur des enfans d'Ifrael, cõme il eft recité en vne vieille pancharte efcrite de lettre rouge à la main, en vne des anci(nes & fameufes librairies du pays d'Alemaigne, de quelques nõbre de vaillants Capitaines, renõmez en la faincte Efcriture, entre lefquels eft celuy cy, qui portoit d'azur à vne toifon d'argent, mife en face, & fept gouttes d'or en chef, differente de celle de Iafon, chef des Argaunottes, qu'on dit, qui portoit de gueulles, à vne toifon d'or, mife en pal, & ainfi s'en peut voir mifes en bande, & en autre maniere.
Il y a auffi en armes, des iambes & pattes d'aucunes beftes, principallement des Lyons & Ours, mais il n'eft gueres vfité en France, & fi en trouue peu. Or de toutes beftes à quatre pieds, eftans en armoiries, fi les langues, oeil, membre, ongles & courõnes (s'il y en a) font de metal, ou coulleur, autre que le corps, cõme ils font le plus fouu(t, & encor qu'ils fuffent de mefmes, faut dire en blafonnant, armez & lampaffez, & couronnez (s'il y a couronne) d'or, d'argent, ou de la couleur qu'ils doyuent eftre, comme plus amplement fe peut voir par les figures fuyuantes.

EN cefte feptiefme partie, cõfifte le denombrement couftumier, lequel s'obferue en armoiries, d'aucunes chofes y contenues, & iufques à quel nombre elles doyuent eftre, ou quãd fe doit dire, fans nombre, ou femees.
Des Befans, Tourteaux, Cotice, & Orle, on nombre iufques à huit, & non plus.
Des faces (qui par aucuns, quant l'efcu en eft tout, difent burellé) on nombre iufques à dix: & s'il paffe, on dit en vn mot burelle, d'or, d'argent, d'azur, ou fynople, felon qu'ils doiu(t eftre, fans fpécifier le nombre, qui doit eftre plus que dix, car autrem(t il le faudroit dire. Autres dient faces (de ce qui cõmence à la pointe, comme fi c'eft) d'or, & d'azur, fans nombre. Il y en a qui commencent d'vn, & qui finiffent d'autre, & à ceux-la il y à nombre, encores qui fut outre ce qu'auons dit.
Lozenges, Fuzees, & Efchiquier, fe nombr(t iufques à vingt fix, ou vingt cinq (par quelques vns) & non plus, & s'ils paffent lon doit dire femees, ou fans nombre.
Beftes, Oyfeaux, poyffons, fleurs, & generalement toutes autres chofes qui font en armes, fe nombrent iufques à feize, & fi elles paffent ce dit nombre, on dit en blafonnant, femees ou fans nombre, comme par les figures fuyuantes on peut voir.

BEAVCOVP d'armoiries ont efté par cy deuant faites & fe font encores iournellem(t, par plufieurs qui ont ignoré & ignor(t leur blafon, pour le mefpris qui pourroit eftre de rechercher l'ordre & couftume ancienne que l'on a tenu au blafon d'icelles, c'eft à dire, de les bien fpecifier & nommer. Et pource que c'eft vne des principalles parties, nous l'auons mife, comme a part, parce qu'elle merite d'eftre bien entendue, afin de bien parler entre ceux qui fe delectent en armoiries.
Or quand l'efcu eft entier, foit de metal, ou de couleur, lon doit commencer à blafonner par la pointe d'iceluy, qui eft autant à dire cõme nommer le champ, ou le fond de l'armoirie.
Quand il eft parti (qui s'entend d'vne ligne ou feparatiõ depuis le haut de l'efcu, iufques au bas à la pointe, à la forme du pal) on doit commencer par la partie dextre. S'il eft parti en face, il eft d'vne ligne trauerfante. Parti en bãde, il l'eft par vne ligne defcendente de la pointe droite en haut, par le milieu, au bas, en la partie feneftre (qu'on dit la place du dernier quartier.)
Et quant aux armes qui fe treuuent tiercez, foit en pal, face, ou bande, faut obferuer l'ordre comme aux partis, afcauoir, au dextre pour le pal, en face, par le chef venant pour le dernier à la pointe, en bande, ce commence par la pointe, dautant que c'eft vne reigle generale en armes, de iamais ne commencer à gauche, mais toufiours à droit, qui doit fuffire à ceux qui plus amplement s'en voudroyent informer.
Es armes, qui font efcartellees, faut premierement nõmer le quartier dextre, qui eft en haut (& qui eft le lieu au font toufiours & doyuent eftre mifes les principalles armes). En celles qui font efcartellees en faulteur, faut cõmencer par le chef, & la pointe, s'ils font femblables. Et és efcartellees en vn feul cartier, ou plufieurs, ou tous quatre, qu'on dit communement, contre-efcartellez, faut fuyure ce qui a efté dit, afcauoir, de nommer toufiours les premieres parties, & le dernier s'ils font femblables. Autres fe treuu(t tiercees, ou bien ayant le chef parti feulement en quatre, & le deffous en trois, & en plufieurs autres manieres. Mais en celles qui font chargees fur le milieu des quatre quartiers, où la croifee du defpartement des armes, d'vn petit efcu, qu'on dit fur le tout: il fe doit blafonner le dernier.
Or il y a quelques armes qui font entees en chef, ou en pointes, d'vne, deux, ou trois, & plufieurs enteures, & en diuers endroits, lefquelles ne faut oublier à fpécifier, comme ils font, ou doyuent eftre, ce qui ne s'obferue pas fi eftroitement es premieres (defquelles le commun dit feullement, tel feigneur porte d'or, a ce qui y eft de la couleur qui doit eftre) ni mefmes au parti, qui f'entend en forme de pal, où on ne le fpecifie point, parce qu'il ne fe nomme point autrem(t que parti. Ce qui aduient auffi à l'efcartellé, mais comme il a efté dit des autres, il les faut fpecifier tout au long.
Des pennes, il en a efté parlé amplement ci-deuant, finon qu'il fe trouuaft quelque animal, afcauoir, oyfeau ou befte, ou bi( quelque croix, faultoir, ou autre telle chofe, qui fut de pennnes, lors les faudroit nommer en blafonnant, afin de bien parler felon les armes. Ce que par les efcus fuyuans pourrez entendre, pour la facilité de cefte huitiefme partie.

AYANT remarqué ce que deffus, il ne fera pas fuperflu de repeter en cefte neufiefme partie (afin de le mieux imprimer en la memoire) que les armoiries doyu(t eftre compofees & faites de deux metaux, & cinq couleurs, & tellement eftre faites, qu'il ne fe trouue aucunement metal fur metal, ou coulleur fur coulleur. Car elles feroyent fauces & mal armoyees, dautant qu'ils ne peuuent eftre des deux metaux, fans couleurs, ni de deux ou plufieurs couleurs, fans l'vn des deux metaux. Toutefois cecy fe doit entendre du principal des armoiries, & non des acceffoires, comme en lambeaux, baftons fimples, ou chargez de quelque chofe pour differer: ce qui eft pour les Princes feulement, bandes en deuifes, bordures, endentes, componé, cantonné, ou furmonté, & autres femblables, brifures, ou remarques, qui la plufpart font mifes en armoiries, tant pour faire parler & foy enquerir, que pour differer les puif-nez d'auec les aifnez, coufins & arriere-coufins. Comme cela eft fouu(t pratiqué en aucuns pays, & en autres, s'aident feulem(t d'vne eftoille, ou molette d'efperon, & chofes femblables, & quelques fois les puif-nez portent efcartelle de leur pere & mere, ce qui fe peut voir plus au long de ceux qui amplement en ont efcrit.
Et comme le temps a amené (en plufieurs chofes) vne forme d'ignorance, & aux hommes, vne volonté de faire felon leur defir, lefquels ayans trouué aucuns obtemperãs à leur vouloir, fe font enfemble donnez licence, felon que lon voit auiourd'huy, de faire ce que bon leur femble en armoiries (& ainfi que cy deuant a efté dit) la plufpart ne fe contentant pas de ce qu'il a poffedé, s'il n'adioufte à foy vne forme d'armoiries, communement choifies pour quelque fignification, ou demonftration de l'intention de ceux qui les propofent, ont voulu comme affuiettir les autres à les entendre: ainfi que pour exemple, tel aura en furnom, Gal, qui pr(dra vn coq, qui en Gafcongne & quelques autres lieux fe dit Gal, qui ne fe nomme pas ainfi autrepart. Autre prendra vn locquet, vn baril, vne ferpe, & pareilles chofes, qui comme a efté dit, ne s'entend en tous lieux de mefme façon, & nom, & feront ainfi les vns apres les autres, qui eft ce que nous a produit tãt de belles armoiries de noftre temps, ce qu'anciennement n'eftoit en vfage: au contraire, eftoit eftimee comme vne chofe facree & grandement honorable, apartenant feulement aux Princes & à ceux qu'ils conoiffoyent en eftre dignes, eftans dõnez pour guerdon & comme en recompenfe de leurs vertus, proueffes & vaillances, les honoroyent en leur donnant & eftabliffant quelques marques ou enfeignes, dits guerriers, & militaires differens, par lefquels lon pouuoit clairement iuger & difcerner de leurs preux & vaillants faits. Et c'eft ce que nous nommons auiourd'huy armoiries ou efcus (parce qu'on les grauoit, ou peindoit anci(nement aux efcus & boucliers) qui leur eftoyent affignees & à leur pofterité, afin qu'en memoire defdites vaillances, ils fuffent plus enclins & animez à enfuyure les beaux & nobles faits de leurs predeceffeurs. Voyla l'ordre ancien, duquel on eft grandement defcheu, cõme de beaucoup d'autres chofes: car en ce temps on n'a point d'efgard à nobleffe, vaillance, honneur, ny chofe femblable, mais feulement ainfi qu'il vient à propos, beaucoup fe difpenfent, & font comme ils l'entendent.
Ce que lon voit en vne infinité d'armoiries qui font malfaites & pirement armoyees en deux fortes, comme pour exemple, quand quelqu'vn aura nom Geruais, ou Quintia corbin, il portera d'or à vn corbin d'arg(t: ou le furnom eftãt Charpiot, portera d'azur, à vn char à quatre roues de gueulles, chargee d'vne pie, ou agache, de fable, tenãt en fon bec vn os d'argent, vn autre, eftant furnõmé de chefne, porte d'azur, gueulle, ou fable, à vn chefne de fynople, ou le furnom eftant Meurier, portera de fable à vn meurier, de fynople, ou bi( de fynople, à trois meures de pourpre, & ainfi des autres. Or toutes armes ainfi faites & coullourees, font indignes d'eftre nommees armes, pour plufieurs raifons, l'vne, dautant qu'elle font cõtre le deuoir de toute nobleffe & ancienneté. Vne autre, parce qu'elles font faires la plufpart, fur noms & furnoms. L'autre, dautant qu'elles font pirement colorees, qui rendent bon tefmoignage de la grand nobleffe & ancienneté de ceux qui fe les attribuent. En vne autre forte, & prefque pareille à celle cy, quand quelqu'vn aura pour furnom, Sibus, portera d'or à fix boeufs, de gueulles: ou Marefchal, portera d'azur à vn fer de cheual d'argent, ou autres vtis du meftier. Eftant furnommé Blans choux, portera de gueulles, à vn chou blanc, ou vne tefte de choux cabuts, d'argent: ou Rauier, de fable, à vne raue d'arg(t, feuillee de fynople, lefquelles, combien qu'elles foyent bien collorees, & bien mifes, & faites felon l'ordre du blafon des armoiries, elles font mal à propos, dautant qu'on n'a pas fuyui en icelles la forme & ordre ancienne (ainfi qu'a efté amplement deduit cy deffus) felon laquelle on n'auoit point efgard aux noms, furnoms, ny à chofes femblables, mais feullement à la vertu & proueffe. Et parce que ne peuuent eftre gueres mieux eftimees que les autres.

Or, pour refpondre à ce qu'on pouuoit alleguer des armoiries d'vn grãd Roy & Prince qu'à efté Godefroy de Buillon, en ce qu'il porte vn efcu d'argent, à vne croix potencee, & quatre croifettes d'or, faut ent(dre, que par l'aduis & authorité de l'affemblee des Princes, Ducs, Contes, Barons, Cheualliers, Capitaines, eftans auec luy, que pour memoire de la conquefte de Hierufalem, qu'il fit en fon temps (comme les hiftoriens le recitent affez au long) il fut ordonné, que fes armoiries feroyent differentes du commun cours anciennement eftably, afin que quand aucuns de ceux qui fe delectent en armes, les verroyent, cuydans & iugeans eftre faulfes, ils fuffent efmeus à s'enquerir & demander, pourquoy luy feul à cela de particulier, & par ce moyen peuft eftre informé de fa conquefte & vaillance, cependant par cela eft faite comme vne defence à tous, de ne fai-re le femblable ny en vfer, fur peine d'eftre eftimez ingnobles, vilains, roturiers, & indignes de porter armes, qui doit fuffire pour prouuer ce que auons touché cy deffus. Et es figures fuyuantes, verrez aucunes des chofes cy fpecifiees.

CESTE maintenant (apres auoir veu, comme on peut bien, & facilement eftre prompt à blafonner toutes armoiries, tant d'Empereurs, Roys, Ducs, Contes, Marquis, Barons, Cheualliers, Efcuyers, Gentils-hommes, Capitaines: des Republiques, villes, citez, cõmunautez & autres, portans armes ou enfeignes, auffi toft que elles feront veues, ou qu'on en orra deuifer) de faire apparoir, & monftrer en cefte dixiefme partie, vne quantité d'armoiries tant anciennes que modernes, dont la plus grand part font fort differentes, & d'aucunes defquelles n'a efté cy deuant faite m(tion (& pour caufe de breueté, ne feront icy fpecifiees, vne par vne, mais fuffira de les voir ci-apres auec leur blafon) & parce on verra, comme vne nouuelle forme & maniere de blafonner par la diuerfité d'icelles, & toufiours s'exercera-on plus à refpondre, fi aucun en demandoit.

APRES auoir depeint & figuré au mieux qu'il m'a efté poffible, les armoiries contenues en ce liure, ie prieray tous Nobles, Cheualiers, Gentils-hõmes, Capitaines, & autres, tant en general qu'en particulier, qu'il leur plaife auoir pour agreable ce mien petit labeur, & me fupporter, s'il eft veu & trouué quelques armoiries n'eftre en l'ordre ou au rang qu'elles meritent, & doyuent eftre mifes & difpofees, faute d'en auoir attaint la parfaite conoiffance.
I'en dy autant à tous Roys d'armes, Heraux, pourfuyuans, expers & entenduz en Armoiries, les requerant pareillement, qu'il leur plaife excufer & fupporter par leur debonnaireté, les defauts qui fe trouuerõt en ceft oeuure. Sachant trefbien que ie ne m'en fuis acquitté fi heureufement qu'il feroit à defirer, & comme i'euffe peu faire, fi la foibleffe de mon efprit fe fuft trouuee egale à ma bonne volonté & affection de mieux faire. Les priant derechef, qu'il leur plaife vouloir amander & corriger les deffauts qui s'y trouuerõt, & amplifier l'oeuure ainfi qu'vn chafcun d'eux verra eftre expedi(t, pour feruir & aider à la pofterité, & maintenir ces chofes en leur qualité, cõdition, ordre, & honnefteté: afin que par ce moyen, Dieu, qui eft autheur de tout ordre, paix & vnion, foit glorifié & honnoré à iamais.

SONNET.

Ainfi que ceft autheur recerchoit curieux,
Par l'art induftrieux de la Philofophie
Du naturel caché, la plus nette partie
De la terre, & de l'eau, & ce qu'ils ont de mieux:
Que iadis figuroit le Ruiffeau gracieux,
Le Cahos embrouillé, le Dragon ofte-vie,
La meurtriere poifon, fon amere ennemie,
Le rainceau du deftin, & le furnom des cieux.
Le temps qui femble auoir deffus nos faits enuie,
Le voulut empefcher par ce trait d'armoirie:
Penfant de la recerche en fin le defgoufter.
Mais il s'eft bien trompé: car l'en voulant diftraire,
Il luy fait deux proufits, en lieu d'vn feul nous faire:
Et l'empefchant, le fait doublement profiter.

Patientia omnia ducit.

P. M.

Fautes furuenues à l'impreffion.
Page 4. ligne 34. lifez Ceropitheces, Ichueumones. p.5.l.34 prix. p.6.l.27. adiouftez apres metaux & couleurs, qui ne font receues en armoiries. p.13.l.24. lifez folidité. p.14.l.23. lifez dix. p.16.l.29. lifez vfti. p.19.l.11. lifez ou face. p.19.l.15. lifez ou bordee, endenté & engreflé. p.21.l.20 lifez cantonné. p.21.l.23. lifez ou les a blafonnees. p.25.l.18. entre ou d'auec. p.27.l.28. lifez pointes. p.28.l.1. lifez conferons ou goufanons. p.28.l.23. lifez couppé. p.29.l.12. lifez ou. p.30.l.31. lifez Il fe trouue. p.34.l.4. adiouftez apres ornees à l'antique, chafcune fupportant. p.36.l.6. lifez bordé. p.37.l.3. lifez face, pour bande. p.38.l.1. lifez goufanon. p.39.l.8. lifez ou. p.44. lifez apres 8. befans, adiouftez d'argent. p.61. lifez efcaillé. p.70. lifez ferre. p.73.l.22. lifez lyonné. p.74.l.16. lifez faultoir. p.76.l.29. lifez Rames. p.76.l.33. lifez s'il y a. p.82. lifez armé ou onglé. p.96.l.19. lifez pourroit.

ACHEVE D'IMPRIMER LE dixiefme iour de Mars, l'an Mil cinq cens feptante neuf.